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Pourquoi la « manosphère » est-elle en plein essor ? ONU Femmes tire la sonnette d'alarme sur la misogynie en ligne

New York, États-Unis (PANA) – Un réseau croissant de communautés en ligne connu sous le nom collectif de « manosphère », émerge comme une menace sérieuse pour l'égalité des sexes, car les espaces numériques toxiques influencent de plus en plus les attitudes, les comportements et les politiques dans le monde réel, a averti l'Agence des Nations Unies pour la lutte contre la discrimination sexuelle.

 

Avec plus de 5,5 milliards de personnes connectées à Internet, dont la quasi-totalité est active sur les réseaux sociaux, les plateformes numériques sont devenues essentielles dans les interactions humaines, souligne ONU Femmes.

 

Cependant, elles sont également utilisées comme armes pour propager la misogynie et la haine. Autrefois confinée à des forums Internet marginaux, la manosphère s'étend désormais aux cours d'école, aux lieux de travail et bouleverse parfois les relations personnelles intimes.

 

« Nous observons une tendance croissante chez les jeunes hommes et les garçons à se tourner vers des influenceurs pour obtenir des conseils sur des questions telles que les relations amoureuses, la forme physique et la paternité », a déclaré Kalliopi Mingeirou, chef de la section « Mettre fin à la violence contre les femmes et les filles » à ONU Femmes.

 

À la recherche de réponses pour se sentir plus sûrs d'eux, ces garçons trouvent une « force » dans les communautés en ligne qui promeuvent également des attitudes néfastes qui déforment la masculinité et alimentent la misogynie.

 

-Les garçons recherchent une « validation en ligne »

 

« Ces espaces exploitent vraiment ces insécurités et ce besoin de validation... Ils diffusent très souvent des messages qui dénigrent la place des femmes et des filles dans la société et sont souvent très misogynes, donnant par exemple une très mauvaise image des militantes des droits des femmes », a déclaré Mme Mingeirou à UN News.

 

Selon la Fondation Movember, une organisation de premier plan dans le domaine de la santé masculine et partenaire d'ONU Femmes, deux tiers des jeunes hommes interagissent régulièrement avec des influenceurs masculins en ligne.

 

Si certains contenus offrent un soutien sincère, la plupart d'entre eux promeuvent un langage extrême et une idéologie sexiste, renforçant l'idée que les hommes sont victimes du féminisme et des changements sociaux modernes.

 

Le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes et des filles note que les groupes au sein de la « manosphère » sont unis dans leur rejet du féminisme et leur représentation des femmes comme manipulatrices ou dangereuses.

 

Ces discours sont de plus en plus amplifiés par les algorithmes des réseaux sociaux qui récompensent les contenus provocateurs et polarisants.

 

-Les contenus misogynes nuisent aux filles et aux garçons

 

Soulignant que l'anonymat facilite l'amplification des discours sexistes et haineux sur les plateformes, Mme Mingeirou nous a expliqué que ces abus nuisent non seulement à leur bien-être mental et physique, mais constituent également « un risque sérieux pour la démocratie en général ».

 

« Les femmes et les filles se sentent moins à l'aise face aux risques et aux menaces lorsqu'elles s'engagent sur les plateformes numériques – et nous voyons souvent des femmes journalistes, des femmes politiques qui ont tendance à ne pas s'engager, car elles ont peur de l'impact que cela peut avoir sur elles ».

 

Soulignant que les stéréotypes créent de l'anxiété et nuisent autant aux garçons qu'aux hommes, Mme Mingeirou a ajouté qu'il fallait créer des espaces sûrs, afin que chacun puisse chercher des conseils sans être exposé à des contenus préjudiciables.

 

-Une menace au-delà d'Internet

 

Les discours toxiques de la manosphère ne se limitent plus à des espaces en ligne obscurs. Leur influence s'infiltre dans la culture et la politique au sens large, banalisant la violence sexiste et renforçant les stéréotypes discriminatoires.

 

Dans les cas extrêmes, ces idéologies se recoupent avec d'autres formes de radicalisation, notamment le racisme, l'homophobie et l'autoritarisme. La misogynie en ligne devient rapidement de la misogynie hors ligne.

 

« Nous disposons de preuves de plus en plus nombreuses montrant que dans certaines fusillades de masse ou incidents extrêmes contre la communauté, les auteurs étaient très souvent fortement impliqués dans ces plateformes misogynes en ligne, diffusant des messages en lien avec des idéologies plus larges qui nous mettent tous en danger », a poursuivi Mme Mingeirou.

 

Ces communautés ne parlent pas toutes d'une seule voix, mais elles s'accordent pour présenter le féminisme comme dangereux, les femmes comme manipulatrices et les hommes comme victimes du changement social. Leurs idées gagnent du terrain, en particulier chez les garçons et les jeunes hommes, amplifiées par des algorithmes qui privilégient les contenus sensationnels et extrêmes. Les discours de la « manosphère » ne se limitent plus à des niches sur Internet. Ils influencent la façon dont les gens pensent, votent et traitent les autres.

 

-Une réponse fondée sur les droits

 

Alors que le monde célèbre le 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, ONU Femmes met en garde contre la montée de la misogynie en ligne, qui constitue une menace directe pour les progrès réalisés en matière d'égalité des sexes.

 

En réponse, l'agence intensifie ses efforts pour lutter contre les environnements numériques toxiques. Son approche multidimensionnelle comprend :

 

La recherche et la collecte de données sur la propagation et l'impact de la haine en ligne.
Le plaidoyer en faveur de la sécurité et de la réglementation numériques.
 

-Le soutien aux victimes d'abus en ligne.
 

Des campagnes d'éducation publique remettant en question la masculinité toxique. Des programmes axés sur les jeunes visant à renforcer la résilience numérique et à promouvoir l'égalité des sexes.

-0- PANA MA/BAI/IS/SOC 23juin2025