PANAPRESS
Agence Panafricaine d'information
Entre le statu-quo du dialogue politique et les pénuries, les Libyens continuent à souffrir le martyr
Tripoli, Libye (PANA) - Par Youssef Ba, correspondant de la PANA
A peine sortis des festivités commémorant l'Aïd al-Idha, fête du sacrifice du mouton perpétuant la tradition du prophète Abraham, où l'esprit de solidarité et d'entraide avait imprégné l'atmosphère de la fête, les Libyens sont confrontés à la dure réalité du train de vie quotidien ponctué par la récession économique qui gangrène le pays et autres pénuries de produits alimentaires.
Malgré la volonté de continuer à vivre qui anime les Libyens et l'instinct de conservation ainsi que leurs capacités hors-normes de supporter les souffrances et les privations, on sent que quelque chose d'essentiel s'est brisé à l'intérieur des gens que l'on rencontre dans la rue.
Cette gaité, qui remplissait naguère les rues de la capitale libyenne, Tripoli, ville cosmopolite qui accueillait toutes le nationalités du monde, a presque disparu pour laisser un voile de tristesse presque imperceptible flotter dans les rue de la ville.
La prolifération des armes parmi les populations, qui établit de fait un équilibre de terreur, est si terrifiante qu'elle fait planer une sensation de danger permanent qui guette le citoyen à chaque détour de la rue.
Certes, il reste encore quelques rares étrangers mais leur nombre s'est réduit comme une peau de chagrin et ceux qui ont eu la témérité de rester font profil bas en essayant de passer inaperçu, en raison de l'insécurité qui règne dans le pays.
Des milices dont les membres armés ne s'astreignent pas aux ordres de leurs chefs, écument la ville et choisissent en particulier les étrangers pour cibles, qu'ils racquettent sans ménagement.
Les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes sans grand enthousiasme en raison des privations auxquels ils sont astreints.
Le pain, principal produit présent dans tous les mets de la cuisine libyenne et qui ne coûtait presque rien, est devenu une denrée rare par les temps qui courent.
La baisse des quantités de stocks de farine qui est devenue rationnée pour les boulangeries, s'est répercutée sur la diminution des quantités de miches de pain vendues.
Auparavant, pour un quart de dinar, on avait 10 morceaux de petits pains mais aujourd'hui avec la baisse drastique des quantités de farine découlant de la baisse des importations de ce produit, résultant du non payement des fournisseurs traditionnels, les stocks de farine sont devenus insuffisants.
De nombreuses boulangeries ont été contraintes de mettre la clef sous le paillasson, alors que d'autres ont recouru à la diminution des quantités de pain. Au lieu de 10 petits pains, c'est deux baguettes qu'on offre au prix d'un quart de dinar libyen.
Dernièrement, le Fonds de stabilisation des prix avait sonné l'alerte d'une rupture des stocks de farine, ce qui provoquera inéluctablement une pénurie du pain.
Outre le pain, les Libyens sont confrontés à des coupures d'électricité généralisées ainsi que d'autres privations touchant une variété de produits de première nécessité.
L'Etat libyen divisé en deux entités avec deux gouvernements et deux Parlements qui se disputent le pouvoir, a vu ses ressources tarir avec la chute de la production en raison des troubles et des violences à proximité des sites de production et d'exportation de pétrole, principale source de revenu du pays.
Une situation qui a entraîné une raréfaction des moyens de l'Etat, se traduisant par le manque de liquidités dans les banques, tant au niveau de la monnaie locale qu'en devises étrangères, ce qui a fini par dissuader de nombreuses banques déjà confrontées à l'insécurité ambiante, de fermer ou de réduire leurs activités.
Les opérations de transfert en dinar et en devises ont été arrêtées et les montants de retrait ont commencé à être plafonnés. Les activités des agences de transfert rapide d'argent Western Union et Money Gram ont été arrêtés.
Ainsi, la monnaie locale, le dinar libyen, s'est déprécié, perdant du terrain face au dollar, aussi bien au niveau du taux de change officiel en s'échangeant 1,38 dinar contre 1 dollar actuellement, tandis qu'il ya quelques mois, le taux était de 1,28 dinar pour un dollar.
Ce taux devient le triple au niveau du marché noir où le dollar équivaut à 3 dinars. Cette dépréciation a provoqué une augmentation de l'inflation, selon des rapports économiques libyens qui ont noté un renchérissement des produits de consommation.
A cela, il faut majorer les retards dans le versement des salaires qui atteignent plusieurs mensualités sans que les fonctionnaires ne perçoivent leurs dus, augmentant ainsi les souffrances des citoyens qui font face, par ailleurs, à des pénuries au niveau des médicaments et l'accès aux soins de base.
Un récent rapport des Nations unies indique que 3 millions de Libyens, soit la moitié de la population, sont affectés par le conflit armé qui dure depuis plus de quatre ans dans le pays, tandis que quelque 2,44 millions d'autres ont besoin d'une aide humanitaire.
Pour Muftah A. Fitouri (45 ans), fonctionnaire dans une administration publique, "ici on ne fait que vivoter en attendant que les choses s'améliorent, bien que le bout du tunnel reste encore invisible à l'horizon".
Il a affirmé à la PANA que les conditions de vie des Libyens se sont détériorées et que le luxe et la bombance auxquels il étaient habitués font désormais partie du passé, déplorant que les citoyens d'un pays doté de ressources aussi énormes en hydrocarbures soient confrontés à des difficultés de subsistance.
Mahmoud al-Garradi, un universitaire (55 ans), fait assumer la responsabilité de toutes les souffrances des Libyens aux nouvelles autorités du pays et à l'ensemble de la classe politique.
"Comment se fait il qu'ils n'arrivent pas à surmonter leurs divergences en privilégiant l'intérêt collectif à celui des individus", s'est-il demandé, pointant du doigt "les puissances régionales et étrangères qui ont une main dans la perpétuation de la crise, en influant les protagonistes de la crise dans le but de préserver leurs intérêts".
La Mission d'Appui des Nations unies en Libye (MANUL) mène depuis plus d'un an une médiation entre les protagonistes libyens dans le cadre d'un dialogue inter-libyen qui a abouti à un projet d'accord politique de sortie de crise, instituant une nouvelle transition démocratique autour d'un gouvernement d'union nationale mais qui fait toujours l'objet de divergences, en dépit des efforts de la communauté internationale pour pousser les parties libyennes en conflit à conclure cet accord.
La station balnéaire marocaine, Skhirat, accueille lundi un nouveau round décisif après une réunion de haut niveau à New York en marge des travaux de la 70ème session de l'Assemblée générale des Nations unies. Ce nouveau round doit discuter des noms devant composer le gouvernement de consensus national que tout le monde appelle de ses vœux.
Les protagonistes libyens entendront-ils, cette fois, la voix de la raison pour donner l'espoir à leurs concitoyens et mettre fin à leurs souffrances ou continueront-ils à faire perdurer leurs divergence, au risque de voir leur pays imploser et de faire perdre l'occasion d'épargner des vies humaines et de construire une nouvelle Libye.
-0- PANA BY/TBM/IBA 04oct2015
A peine sortis des festivités commémorant l'Aïd al-Idha, fête du sacrifice du mouton perpétuant la tradition du prophète Abraham, où l'esprit de solidarité et d'entraide avait imprégné l'atmosphère de la fête, les Libyens sont confrontés à la dure réalité du train de vie quotidien ponctué par la récession économique qui gangrène le pays et autres pénuries de produits alimentaires.
Malgré la volonté de continuer à vivre qui anime les Libyens et l'instinct de conservation ainsi que leurs capacités hors-normes de supporter les souffrances et les privations, on sent que quelque chose d'essentiel s'est brisé à l'intérieur des gens que l'on rencontre dans la rue.
Cette gaité, qui remplissait naguère les rues de la capitale libyenne, Tripoli, ville cosmopolite qui accueillait toutes le nationalités du monde, a presque disparu pour laisser un voile de tristesse presque imperceptible flotter dans les rue de la ville.
La prolifération des armes parmi les populations, qui établit de fait un équilibre de terreur, est si terrifiante qu'elle fait planer une sensation de danger permanent qui guette le citoyen à chaque détour de la rue.
Certes, il reste encore quelques rares étrangers mais leur nombre s'est réduit comme une peau de chagrin et ceux qui ont eu la témérité de rester font profil bas en essayant de passer inaperçu, en raison de l'insécurité qui règne dans le pays.
Des milices dont les membres armés ne s'astreignent pas aux ordres de leurs chefs, écument la ville et choisissent en particulier les étrangers pour cibles, qu'ils racquettent sans ménagement.
Les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes sans grand enthousiasme en raison des privations auxquels ils sont astreints.
Le pain, principal produit présent dans tous les mets de la cuisine libyenne et qui ne coûtait presque rien, est devenu une denrée rare par les temps qui courent.
La baisse des quantités de stocks de farine qui est devenue rationnée pour les boulangeries, s'est répercutée sur la diminution des quantités de miches de pain vendues.
Auparavant, pour un quart de dinar, on avait 10 morceaux de petits pains mais aujourd'hui avec la baisse drastique des quantités de farine découlant de la baisse des importations de ce produit, résultant du non payement des fournisseurs traditionnels, les stocks de farine sont devenus insuffisants.
De nombreuses boulangeries ont été contraintes de mettre la clef sous le paillasson, alors que d'autres ont recouru à la diminution des quantités de pain. Au lieu de 10 petits pains, c'est deux baguettes qu'on offre au prix d'un quart de dinar libyen.
Dernièrement, le Fonds de stabilisation des prix avait sonné l'alerte d'une rupture des stocks de farine, ce qui provoquera inéluctablement une pénurie du pain.
Outre le pain, les Libyens sont confrontés à des coupures d'électricité généralisées ainsi que d'autres privations touchant une variété de produits de première nécessité.
L'Etat libyen divisé en deux entités avec deux gouvernements et deux Parlements qui se disputent le pouvoir, a vu ses ressources tarir avec la chute de la production en raison des troubles et des violences à proximité des sites de production et d'exportation de pétrole, principale source de revenu du pays.
Une situation qui a entraîné une raréfaction des moyens de l'Etat, se traduisant par le manque de liquidités dans les banques, tant au niveau de la monnaie locale qu'en devises étrangères, ce qui a fini par dissuader de nombreuses banques déjà confrontées à l'insécurité ambiante, de fermer ou de réduire leurs activités.
Les opérations de transfert en dinar et en devises ont été arrêtées et les montants de retrait ont commencé à être plafonnés. Les activités des agences de transfert rapide d'argent Western Union et Money Gram ont été arrêtés.
Ainsi, la monnaie locale, le dinar libyen, s'est déprécié, perdant du terrain face au dollar, aussi bien au niveau du taux de change officiel en s'échangeant 1,38 dinar contre 1 dollar actuellement, tandis qu'il ya quelques mois, le taux était de 1,28 dinar pour un dollar.
Ce taux devient le triple au niveau du marché noir où le dollar équivaut à 3 dinars. Cette dépréciation a provoqué une augmentation de l'inflation, selon des rapports économiques libyens qui ont noté un renchérissement des produits de consommation.
A cela, il faut majorer les retards dans le versement des salaires qui atteignent plusieurs mensualités sans que les fonctionnaires ne perçoivent leurs dus, augmentant ainsi les souffrances des citoyens qui font face, par ailleurs, à des pénuries au niveau des médicaments et l'accès aux soins de base.
Un récent rapport des Nations unies indique que 3 millions de Libyens, soit la moitié de la population, sont affectés par le conflit armé qui dure depuis plus de quatre ans dans le pays, tandis que quelque 2,44 millions d'autres ont besoin d'une aide humanitaire.
Pour Muftah A. Fitouri (45 ans), fonctionnaire dans une administration publique, "ici on ne fait que vivoter en attendant que les choses s'améliorent, bien que le bout du tunnel reste encore invisible à l'horizon".
Il a affirmé à la PANA que les conditions de vie des Libyens se sont détériorées et que le luxe et la bombance auxquels il étaient habitués font désormais partie du passé, déplorant que les citoyens d'un pays doté de ressources aussi énormes en hydrocarbures soient confrontés à des difficultés de subsistance.
Mahmoud al-Garradi, un universitaire (55 ans), fait assumer la responsabilité de toutes les souffrances des Libyens aux nouvelles autorités du pays et à l'ensemble de la classe politique.
"Comment se fait il qu'ils n'arrivent pas à surmonter leurs divergences en privilégiant l'intérêt collectif à celui des individus", s'est-il demandé, pointant du doigt "les puissances régionales et étrangères qui ont une main dans la perpétuation de la crise, en influant les protagonistes de la crise dans le but de préserver leurs intérêts".
La Mission d'Appui des Nations unies en Libye (MANUL) mène depuis plus d'un an une médiation entre les protagonistes libyens dans le cadre d'un dialogue inter-libyen qui a abouti à un projet d'accord politique de sortie de crise, instituant une nouvelle transition démocratique autour d'un gouvernement d'union nationale mais qui fait toujours l'objet de divergences, en dépit des efforts de la communauté internationale pour pousser les parties libyennes en conflit à conclure cet accord.
La station balnéaire marocaine, Skhirat, accueille lundi un nouveau round décisif après une réunion de haut niveau à New York en marge des travaux de la 70ème session de l'Assemblée générale des Nations unies. Ce nouveau round doit discuter des noms devant composer le gouvernement de consensus national que tout le monde appelle de ses vœux.
Les protagonistes libyens entendront-ils, cette fois, la voix de la raison pour donner l'espoir à leurs concitoyens et mettre fin à leurs souffrances ou continueront-ils à faire perdurer leurs divergence, au risque de voir leur pays imploser et de faire perdre l'occasion d'épargner des vies humaines et de construire une nouvelle Libye.
-0- PANA BY/TBM/IBA 04oct2015