Démêler le piège de la fragilité dans la guerre civile en République centrafricaine : Blog de la Banque mondiale Par Pierre Mandon et Vincent Nossek
Bangui, République centrafricaine (PANA) - La reconstruction du contrat social entre le gouvernement et ses citoyens est essentielle pour le redressement et la stabilité à long terme de la République centrafricaine (RCA).
Le pays est prisonnier d'un cycle de violence et de fragilité depuis plus d'une décennie, avec des conséquences dévastatrices pour son peuple et son économie. Ce billet explore les résultats de notre nouvelle étude utilisant la méthode du contrôle synthétique (SCM) pour évaluer l'impact économique du conflit et met en évidence les voies potentielles vers la reprise et la croissance dans des pays comme la RCA.
Une guerre civile avec des blessures économiques profondes
Depuis son accession à l'indépendance en 1960, la RCA a été confrontée à l'instabilité, à des problèmes de gouvernance et à une pauvreté persistante. La guerre civile qui a débuté en décembre 2012 a aggravé ces problèmes.
A l'aide de la MCS, nous avons mesuré les conséquences économiques du conflit en comparant la trajectoire du PIB de la RCA à celle d'une « RCA synthétique » - un modèle basé sur les données de pays similaires n'ayant pas connu de conflit.
L'année de « traitement » est 2012 avec le début de la guerre civile jusqu'au départ de la coalition rebelle Séléka de Bangui (de décembre 2012 à janvier 2014). La période suivante se traduit par des conflits localisés dans le Nord-Ouest et l'Est du pays, en dehors des grandes villes.
Les résultats indiquent un déclin économique significatif de 2013 à 2022, le PIB par habitant de la RCA chutant de 45,3% à 47,8% par rapport au contrôle synthétique, entraînant une perte cumulée de PIB de 29,7 milliards à 32,4 milliards de dollars. Même selon des estimations prudentes, l'économie s'est contractée de 35,3%, ce qui représente l'un des impacts économiques les plus importants des conflits civils enregistrés dans le monde.
L'une des principales raisons de ce grave impact économique est la perturbation des routes commerciales vitales. La guerre, en particulier pendant l'occupation de Bangui par la Séléka, a paralysé l'axe routier Douala-Bangui et le corridor fluvial entre Pointe-Noire et le port de Bangui. En outre, la guerre a entraîné une destruction généralisée du stock de capital et a gravement limité la capacité fiscale à entretenir les infrastructures. La détérioration à long terme de la capacité technique du pays, qui touche à la fois le secteur privé et l'administration publique, a également contribué à la récession économique.
Rompre le piège de la fragilité
Ce déclin économique brutal reflète la nécessité urgente pour la RCA de se libérer du « piège de la fragilité », un concept exploré dans le dernier mémorandum économique du pays (CEM). Ce concept suggère que les États fragiles comme la RCA connaissent un cercle vicieux dans lequel l'instabilité politique, la faiblesse des institutions et la violence se renforcent mutuellement. Il est essentiel de comprendre ce cycle pour le briser et parvenir à un développement durable.
Les résultats de la MCS ont montré que la guerre civile de 2012 a exacerbé les vulnérabilités structurelles de la RCA. Au-delà de la perte de PIB, le conflit a conduit à un nettoyage ethnique généralisé, y compris des exécutions extrajudiciaires, des viols et des déplacements forcés massifs à l'intérieur du pays et à l'étranger, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
La MCS : un outil de pointe dans l'économie des conflits
Diverses techniques ont été utilisées pour mesurer les coûts économiques des conflits, mais la MCS s'est imposée comme un outil révolutionnaire dans ce domaine. Proposée pour la première fois par Abadie et Gardeazabal (2003), la MCS a d'abord été utilisée pour évaluer les conséquences économiques des conflits locaux. Depuis lors, la MCS a été largement appliquée pour quantifier le bilan économique de divers conflits et révoltes. Des guerres civiles au Burundi et en Ukraine au printemps arabe en Libye et en Tunisie, cette méthodologie est devenue un outil statistique puissant pour l'évaluation des programmes et l'inférence causale.
Ce qui distingue la MCS, c'est sa robustesse dans les petits échantillons, un problème courant dans les études sur les conflits où les données sont limitées. La MCS excelle dans ces environnements en construisant un groupe de contrôle synthétique qui reflète les tendances et les caractéristiques du pays touché avant le conflit - dans ce cas, la RCA. Ce faisant, SCM fournit des inférences causales plus précises et offre une image plus claire de l'impact économique réel du conflit.
Prochaines étapes vers la reprise
Bien que l'étude présente une analyse solide des impacts économiques, la compréhension de l'étendue des effets de la guerre sur l'économie de la RCA, plus spécifiquement sur les industries telles que la construction, la fabrication et le développement humain à un niveau granulaire nécessitera une étude plus approfondie.
Pour relever ces défis, il faut améliorer la collecte des données, en combinant les enquêtes sur les ménages avec des sources alternatives comme la télédétection. De tels efforts fourniraient des informations essentielles sur les impacts socio-économiques du conflit au-delà de la perte du PIB national, ce qui permettrait des interventions politiques plus ciblées.
La reconstruction du contrat social entre le gouvernement et ses citoyens est essentielle pour le redressement et la stabilité à long terme de la RCA. En se concentrant sur la résilience et en tirant parti d'outils innovants tels que la GCL et la télédétection pour un meilleur suivi, la RCA a bon espoir de surmonter ses difficultés et de construire un avenir meilleur, prospère et stable.
-0- PANA AR/MA/BAI/IS/SOC 04dec2024