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L'autonomisation des femmes kenyanes, clé d'une croissance inclusive (Banque mondiale)

Nairobi, Kenya (PANA) - En tant que femmes, nous avons été les témoins directs du fait que les femmes au Kenya sont les moteurs de la croissance économique. Nous créons des entreprises, nous élevons des familles et nous renforçons les communautés. Pourtant, malgré notre contribution, les règles du jeu économique restent inégales.

Le Kenya a fait des progrès en matière d'égalité des sexes, avec une constitution qui la consacre et des politiques progressistes dans le cadre de Vision 2030. Mais la réalité est tout autre : Les femmes se heurtent encore à des obstacles qui les empêchent de participer à la vie économique sur un pied d'égalité.

La dernière mise à jour économique du Kenya (KEU) de la Banque mondiale le souligne : si nous ne donnons pas la priorité à l'autonomisation des femmes, une croissance inclusive et durable restera hors de portée.

Les disparités entre les hommes et les femmes freinent le Kenya

Les disparités entre les sexes ne nuisent pas seulement aux femmes, elles freinent le Kenya. Des études montrent que la réduction des écarts en matière d'éducation et de participation au marché du travail pourrait accroître le PIB du Kenya de 10 %. Lorsque les femmes prospèrent, les économies se développent, la pauvreté recule et les résultats sociaux en matière d'éducation et de santé s'améliorent pour tout le monde.

Toutefois, nous savons que l'émancipation économique ne se limite pas à l'emploi. Il s'agit d'indépendance financière, de leadership et de briser des générations d'attentes sociétales. Il s'agit de s'assurer que nos filles (et nos fils) ne se contentent pas de rêver grand, mais qu'elles réalisent plus grand.

Pourtant, les résultats de nos recherches montrent que

Au Kenya, les femmes ont moins de chances d'être employées que les hommes, quels que soient le lieu, l'âge ou le niveau d'éducation.

Les jeunes femmes sont, de manière disproportionnée, au chômage ou déscolarisées (NEET).

Les femmes assument davantage de travail non rémunéré, gagnent moins que les hommes et possèdent moins de biens.

Ces inégalités sont encore plus marquées dans les ménages pauvres et dans les régions rurales et arides, ce qui accentue les fractures économiques nationales.

Qu'est-ce qui retient les femmes ?

L'éducation est une voie avérée vers la prospérité ; chaque année supplémentaire de scolarité augmente les revenus d'une femme de 17,1 % (contre 13,3 % pour les hommes). Pourtant, trop de femmes sont laissées pour compte, en particulier dans les zones rurales arides et défavorisées sur le plan économique. Les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons à l'école primaire, mais accusent un retard dans l'enseignement secondaire, en particulier dans le domaine des STIM, ce qui les empêche d'accéder à des carrières mieux rémunérées.

Les femmes des comtés arides du Kenya sont les plus désavantagées : À Turkana, Marsabit, Tana River, Wajir et Mandera, plus de deux tiers des femmes âgées de 19 à 34 ans n'ont jamais été à l'école. Parmi les plus pauvres du Kenya, 51,3 % des femmes n'ont pas d'éducation, alors que la moyenne nationale est de 17 %. Mais l'éducation seule ne suffit pas ; elle doit se traduire par de véritables opportunités économiques. Là encore, le Kenya n'est pas à la hauteur.

Le mariage et la maternité interviennent plus tôt - et à un coût économique plus élevé - pour les femmes que pour les hommes. Environ 31 % des jeunes filles de 19 ans sont déjà mariées ou ont des enfants. Ce chiffre grimpe à 49 % chez les plus pauvres.

Les femmes se marient plus jeunes, surtout celles qui ont moins d'éducation et moins de possibilités économiques. Les grossesses précoces restent un problème : près d'une femme sur trois (âgée de 15 à 49 ans) au Kenya a connu une grossesse précoce, avec des taux atteignant 50 % dans certains comtés arides comme celui de Samburu.

Contrairement aux hommes, les trajectoires économiques des femmes subissent un coup dur après le mariage et la naissance d'un enfant. Pour beaucoup, la porte de la carrière se ferme après un mariage ou une grossesse précoce. D'autres sont confrontées à un accès limité au travail rémunéré et à des rôles de direction au cours de leur vie professionnelle. Le manque de services de garde d'enfants abordables et de qualité aggrave ce cycle, le problème étant encore plus prononcé pour les femmes ayant des enfants handicapés.

Les attentes de la société limitent l'autonomie des femmes à la maison, sur le lieu de travail et dans la société. Une femme sur trois n'a pas de pouvoir de décision sur ses soins de santé, ses achats importants ou ses visites familiales.

Environ 34 % des femmes ont subi des violences physiques après l'âge de 15 ans. Plus inquiétant encore, les jeunes (15-19 ans) sont plus susceptibles de justifier la violence domestique, ce qui montre que ces normes toxiques sont transmises, et non effacées. Nos résultats montrent également que les comportements de recherche d'aide sont particulièrement faibles, ce qui intensifie les défis auxquels sont confrontées les femmes dans des situations de violence.

La voie à suivre est multisectorielle

Pour réaliser des progrès durables en matière d'émancipation économique des femmes, il faut adopter une approche globale et multisectorielle, qui s'attaque aux problèmes interdépendants auxquels les femmes sont confrontées. Voici quelques-unes des actions prioritaires qui, selon nous, peuvent renforcer l'émancipation économique des femmes au Kenya :

1.  Investir dans le capital humain des femmes : Maintenir les filles à l'école, en particulier dans les zones mal desservies, grâce à des bourses, des transferts d'argent et des programmes ciblés.

2. Remettre en question les normes sociales néfastes : Réduire les grossesses chez les adolescentes et les mariages précoces grâce à des campagnes de sensibilisation à l'échelle nationale et à une éducation complète en matière de santé sexuelle et génésique (SSG).

3. Élargir l'accès aux opportunités économiques en améliorant les transitions entre l'école et le travail et en veillant à ce que les femmes entrent dans des domaines mieux rémunérés ; investir dans des programmes d'entreprenariat avec un soutien financier et un mentorat ; et renforcer la protection sociale, les services de santé et la garde d'enfants pour soutenir les mères qui travaillent.

4. Mettre fin à la violence fondée sur le genre (VFG) par des interventions précoces dans les écoles et  communautés combinées à une forte protection sociale et juridique.

-0- PANA AR/MA/BAI/JSG/SOC 08mai2025