Des promesses de Pékin aux ruines de Gaza : les femmes face à la guerre (Par UN News)
New York, Etats-Unis (PANA) – Lundi à l'ONU, le spectacle était rituel : discours solennels, chiffres alarmants, appels à l'action. Mais derrière la gravité des mots, un constat s'imposait : un quart de siècle après l'adoption d'un texte fondateur promettant de placer les femmes au cœur des efforts de paix, le monde reste plus violent que jamais, et les femmes sont plus souvent victimes que décideuses.
“ Trop souvent, nous nous réunissons dans des salles comme celle-ci, pleins de conviction et de détermination, sans finalement parvenir à un réel changement dans la vie des femmes ”, a déploré le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, devant le Conseil de sécurité, reconnaissant que les ambitions affichées dans la Résolution 1325 “ n'ont pas véritablement changé la vie des femmes et des filles prises dans les conflits ”.
Ce texte, adopté en 2000, marque un tournant historique : pour la première fois, l’organisation affirme que la paix ne peut être durable sans la participation active des femmes. Il ouvre la voie à un vaste programme intitulé Femmes, paix et sécurité, destiné à transformer la façon dont la communauté internationale conçoit la guerre – non plus simplement comme une confrontation militaire, mais comme une crise humaine, où les inégalités entre les sexes alimentent la violence et entravent la réconciliation.
Cette nouvelle approche s’appuie sur la dynamique créée cinq ans plus tôt par la Déclaration et le Programme d’action de Pékin, premier cadre mondial pour l’égalité des sexes. Mais trois décennies plus tard, la promesse s’est érodée.
En 2024, selon les Nations Unies, 676 millions de femmes vivaient à moins de 50 kilomètres d’un conflit meurtrier, soit le niveau le plus élevé depuis les années 1990.
Alors que les engagements politiques se multiplient, les réalités du terrain rappellent leur fragilité. “ Les femmes continuent de construire la paix ”, a souligné Sima Bahous, directrice exécutive d'ONU Femmes, l'agence onusienne chargée de défendre les droits des femmes.
Des humanitaires au Yémen aux Casques bleus en République centrafricaine, l'ancienne diplomate jordanienne a salué celles qui “ réduisent les violences communautaires ”. Elle a également dénoncé les “ coupes budgétaires sans vision à long terme ” qui sapent le travail de terrain : “ Elles ferment des cliniques, compromettent l'éducation des filles et érodent les chances de paix. ” Ses propos inquiets ont été relayés par des cris de colère. Noura Erakat, avocate américaine d'origine palestinienne spécialisée dans les droits humains, s'est exprimée “ au nom de ses sœurs palestiniennes ”, privées de la possibilité de s'exprimer. Qualifiant la guerre à Gaza de “ génocide ”, elle a dressé un tableau insoutenable : “ En 2024, le taux de fausses couches a augmenté de 300 % à Gaza ”, a-t-elle déclaré, citant également les attaques contre les maternités et les cliniques, obligeant les femmes enceintes de l’enclave à “ accoucher dans des toilettes publiques ”. Deux interventions, deux tons, mais une idée : les femmes ne sont pas seulement victimes de la guerre, elles en sont aussi les témoins – celles qui refusent d’abandonner le lien entre vie et paix.
Aux côtés des récits de guerre, un autre champ de bataille émerge : le numérique. Olga Ouskova, fondatrice de Cognitive Technologies, une entreprise informatique basée à Moscou, a alerté le Conseil des dangers d’un monde où la technologie prime sur la morale. “ Le développement de l’IA et des réseaux sociaux a ouvert la voie à une manipulation massive des esprits ", a-t-elle averti.
Selon elle, les femmes et les enfants sont ” les premières victimes “ de ces nouvelles formes de violence, qu’elles soient symboliques ou physiques, médiatiques ou militaires. Pour cette pionnière de la robotique agricole, la menace est double : la déshumanisation numérique d’un côté, l’automatisation létale de l’autre. ” Nous avons besoin de nouvelles règles internationales sur la conduite des guerres utilisant des armes basées sur l’intelligence artificielle ", a-t-elle plaidé, appelant également à la création d’un organisme des Nations Unies chargé de détecter les deepfakes et les contenus manipulés destinés à attiser la haine.
Son avertissement technologique venu de Russie, répondait étrangement aux avertissements de Noura Erakat depuis Gaza : deux univers, deux expériences, mais un même sentiment d'urgence face à une guerre qui se réinvente, échappant au droit, à la morale et à la raison.
Ces multiples voix soulignent un paradoxe : jamais le discours sur l’égalité n’a été aussi présent, et jamais les reculs n’ont été aussi évidents. António Guterres nous l’a rappelé : “ Les femmes sont les porteuses de la paix pour tous. ” Pourtant, les faits démentent cette conviction. Dans plusieurs régions, des régimes autoritaires restreignent les droits des femmes ; ailleurs, les budgets consacrés à leur autonomisation sont réduits au profit des dépenses militaires. Pour ONU Femmes, l’heure n’est pas aux déclarations, mais à l’action : imposer des quotas contraignants pour les femmes dans les négociations, punir les violences sexuelles et financer directement les organisations locales dirigées par des femmes.
Ce n’est qu’alors que l’esprit de 2000 pourra être ravivé. Mais comme l’a résumé le chef de l’ONU, “ notre monde n’a pas besoin que cette vérité soit répétée, mais de résultats qui l’incarnent. ” Depuis la Déclaration de Pékin en 1995, l’ONU a fait de l’égalité des sexes un pilier de la paix. Pourtant, le monde n’a jamais vu autant de femmes déplacées, violées ou assassinées. L’idéalisme des débuts s’est heurté à la realpolitik et à l’érosion du multilatéralisme.
Il est désormais clair que pour que le programme Femmes, Paix et Sécurité survive, il ne suffit plus d'organiser des réunions périodiques, comme le traditionnel débat annuel du lundi au Conseil. Il faut redonner du sens à l'engagement initial, non pas comme un hommage aux femmes victimes, mais comme un mandat de pouvoir pour celles qui refusent d'être effacées.
-0- PANA MA/NFB/JSG/SOC 07oct2025




