La Syrie a une réelle opportunité de « passer de l'obscurité à la lumière » selon l'envoyé spécial des Nations-Unies pour la Syrie
Damas, Syrie (PANA) - Les Syriens ont de grandes attentes pour leur pays et souhaitent vivement que des personnes de tous les horizons sociaux se réunissent pour forger une nouvelle constitution, qui doit commencer par un « dialogue national » inclusif.
C'est ce qu'affirme Najat Rochdi, l'envoyée spéciale adjointe des Nations unies pour la Syrie, qui se trouve à Damas pour rencontrer plusieurs membres des autorités de transition afin de s'assurer que tous les Syriens puissent participer à l'avenir du pays, qui lutte pour faire face à une crise humanitaire aiguë et à une économie chancelante.
Dans un entretien exclusif avec UN News, Mme Rochdi s'est entretenue vendredi avec Reem Abaza.
UN News : C'est votre deuxième visite en Syrie depuis la chute du régime Assad. Qui avez-vous rencontré cette fois-ci et quelles sont vos principales impressions ?
Najat Rochdi : Je n'aurais jamais pensé pouvoir être témoin d'une telle chose au cours de ma vie. C'est extraordinaire de voir ce niveau de joie, d'espoir et d'euphorie.
Mais cela s'accompagne aussi de beaucoup d'attentes. Il est temps de reconstruire tout ce qui a été détruit, y compris la dignité de tous les Syriens. Nous devons veiller à ce qu'il y ait un siège pour chacun, en termes de représentation équitable des femmes et des hommes de tous les Syriens, indépendamment de leur appartenance religieuse, ethnique, culturelle ou géographique.
Sous le régime précédent, les communautés étaient montées les unes contre les autres. Nous attendons donc une véritable cohésion sociale, dans laquelle chaque Syrien sera un citoyen à part entière, jouissant de tous les droits et des mêmes libertés.
Les autorités de facto ont montré, par leurs déclarations, une réelle volonté de faire évoluer le pays vers quelque chose de bien meilleur, qui réponde aux exigences et aux aspirations de tous les Syriens.
Une expression que nous entendons à chaque réunion est qu'il est temps de passer de l'obscurité à la lumière. À cet égard, nous saluons la décision d'organiser un dialogue national. Il est très important que ce dialogue prenne en compte les voix de tous les Syriens, qui ont payé un prix très, très élevé pour en arriver là où ils sont aujourd'hui.
UN News : Quel est le rôle de l'ONU en cette période critique pour la Syrie ?
Najat Rochdi : Nous devons rencontrer des groupes de toutes les régions de la Syrie, y compris des féministes, des chefs religieux et des leaders communautaires, afin de mieux comprendre leurs priorités, leurs préoccupations et leurs besoins. C'est la meilleure façon pour nous de soutenir et d'accompagner la transition politique.
Nous avons déjà une idée claire des priorités. La première est d'établir la localisation et le sort des disparus. Il est déchirant de rencontrer les familles.
Après la chute d'Assad, elles ont d'abord eu beaucoup d'espoir que leurs proches soient encore en vie. Cet espoir s'estompe, mais elles veulent au moins savoir où se trouvent leurs corps. Tant qu'elles n'auront pas de réponse claire, elles ne pourront pas faire leur deuil et guérir.
Les survivants et les familles ont besoin de voir la responsabilité en action, mais il ne doit pas y avoir de vengeance ou de représailles. Nous savons que les cœurs sont brisés, qu'ils sont enflammés parce que la souffrance est si grande. Mais en même temps, le meilleur moyen d'aller de l'avant est de passer par un processus de véritable justice.
UN News : Quels sont les autres principaux défis auxquels la Syrie est confrontée aujourd'hui ?
Najat Rochdi : Je pense que le plus grand défi aujourd'hui est de s'assurer que la transition politique se fasse de manière à ce que tous les Syriens se sentent en sécurité, qu'ils en fassent tous partie et qu'il s'agisse d'un processus inclusif.
Le premier test sera sans aucun doute le dialogue national, en veillant à ce qu'il jette les bases de décisions politiques qui créent une Syrie stable, prospère et inclusive pour tous les Syriens.
Le deuxième défi consiste à s'assurer que les personnes chargées de réviser la constitution ou de rédiger la nouvelle constitution émanent de toutes les parties et composantes de la société syrienne, car cette constitution doit être le garant des droits de l'homme et de la liberté pour tous.
Troisièmement, il faut s'assurer que le gouvernement de transition ne s'engagera pas dans une quelconque forme de quotas. L'inclusivité ne signifie pas qu'il y ait un quota pour telle ou telle secte.
Au contraire, un gouvernement de transition doit parler, protéger et servir tout le monde de la même manière. Les voix des femmes doivent être entendues, non seulement par souci d'équité, mais aussi parce que la Syrie a besoin que chaque citoyen contribue à sa reconstruction.
En fin de compte, le défi consistera à s'assurer que les décisions prises par le gouvernement de transition aboutissent à des élections justes, libres et transparentes.
Une autre série de défis majeurs est liée à la situation humanitaire aiguë. Le financement est très faible et il y a de graves pénuries en termes d'accès aux services de base et aux infrastructures.
UN News : Vous êtes très impliquée dans la société civile syrienne et les organisations de femmes. Quelle peut être leur contribution à la transition politique ?
Najat Rochdi : Au cours des dernières décennies, elles ont courageusement défendu leurs droits. Elles veulent l'égalité des droits et la liberté pour tous.
-0-PANA RA/BAI/JSG/SOC 14jan2025.