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Soudan : Un système d'armes de fabrication française identifié dans le conflit

Paris, France (PANA) - Des technologies militaires de fabrication française incorporées dans des véhicules blindés de transport de troupes fabriqués par les Émirats arabes unis sont utilisées sur le champ de bataille au Soudan, ce qui constitue probablement une violation de l'embargo sur les armes décrété par les Nations unies pour le Darfour, a déclaré Amnesty International dans le cadre d'une nouvelle enquête.
 

Dans une note d'information publiée au début de l'année, Amnesty International a indiqué avoir identifié dans diverses régions du Soudan des Véhicules blindés de transport de troupes (VBTT) fabriqués aux Émirats arabes unis (EAU). 
 

« De nouvelles recherches ont montré que ces véhicules, utilisés par les Forces de soutien rapide (FSR), sont équipés de systèmes de défense réactifs sophistiqués conçus et fabriqués en France », indique un communiqué de presse.
 

Il précise que les VBTT de Nimr Ajban sont fabriqués aux Émirats arabes unis par le groupe Edge et qu'ils sont équipés du système français Galix. Sur des photos diffusées sur les réseaux sociaux et vérifiées par Amnesty International, le système Galix est visible sur plusieurs VBTT Nimr Ajban détruits ou capturés par les Forces armées soudanaises (FAS).
 

Le système Galix - fabriqué par Lacroix Defence et conçu conjointement avec Nexter (aujourd'hui KNDS France) - est un système de défense pour les forces terrestres qui libère des leurres, de la fumée et des projectiles pour contrer les menaces à courte portée. Lacroix Defence annonce que le système Galix « cache les véhicules de combat d'une menace en approche et protège les véhicules, les chars de combat principaux et les véhicules blindés de transport de troupes ».
 

« Nos recherches montrent que des armes conçues et fabriquées en France sont activement utilisées sur le champ de bataille au Soudan », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.
 

« Le système Galix est déployé par les FSR dans ce conflit, et toute utilisation au Darfour constituerait une violation flagrante de l'embargo sur les armes décrété par les Nations unies. Le gouvernement français doit veiller à ce que Lacroix Defense et KNDS France cessent immédiatement de fournir ce système aux Émirats arabes unis.
 

« Amnesty International a déjà montré que l'afflux constant d'armes au Soudan est à l'origine d'immenses souffrances humaines. Tous les pays doivent immédiatement cesser les livraisons directes et indirectes d'armes et de munitions aux parties belligérantes au Soudan. Ils doivent respecter et faire appliquer le régime d'embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité des Nations unies au Darfour, avant que d'autres civils ne perdent la vie.
 

Amnesty International a contacté Lacroix Defense, KNDS France et le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale en France le 15 octobre 2024 pour souligner l'identification du système Galix au Soudan. Au moment de la publication, aucune réponse n'avait été reçue.
 

Amnesty International note que les Émirats arabes unis et la France ont un partenariat de longue date dans le secteur de la défense. Le rapport parlementaire français 2024 sur les exportations d'armes indique que les entreprises françaises ont été responsables de la livraison d'un montant estimé à 2,6 milliards d'euros d'équipements militaires aux Émirats arabes unis entre 2014 et 2023.
 

Lacroix Defence a une présence établie aux Émirats arabes unis, ayant créé une coentreprise avec Emirates Defence Technology dès 2015 pour être « l'une des premières entreprises françaises de taille intermédiaire à s'implanter aux Émirats arabes unis ». Les VBTT de Nimr Ajban sont équipés du système Galix depuis au moins 2017.
 

L'Union européenne impose un embargo sur les armes à l'ensemble du Soudan depuis 1994. Cet embargo interdit la vente, la fourniture, le transfert ou l'exportation d'armes et de matériel connexe de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et équipements militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées vers le Soudan.
 

Amnesty International rappelle que la France est tenue, en vertu du droit international, régional et national, d'interdire l'exportation d'armes lorsqu'il existe un risque substantiel que ces armes soient utilisées pour commettre ou faciliter une violation grave du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l'homme. 
 

« Si la France ne peut pas garantir par des contrôles à l'exportation, y compris la certification de l'utilisateur final, que les armes ne seront pas réexportées vers le Soudan, elle ne devrait pas autoriser ces transferts. Les Émirats arabes unis ont un long passé de violation des embargos sur les armes décrétés par le Conseil de sécurité des Nations unies, notamment en ce qui concerne la Libye et le Soudan.
 

Le communiqué de presse précise que toutes les entreprises, y compris Lacroix Defence et KNDS France, ont la responsabilité de respecter les droits de l'homme. 
 

« Cette responsabilité exige des entreprises qu'elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme tout au long de leur chaîne de valeur - du point d'origine à l'utilisateur final - afin d'identifier, de prévenir et d'atténuer toute implication réelle ou potentielle dans des violations des droits de l'homme. Le niveau de diligence requis en matière de droits de l'homme est plus élevé en ce qui concerne les activités commerciales ayant un impact sur les zones touchées par un conflit.
 

Amnesty International demande également au Conseil de sécurité des Nations unies d'étendre l'embargo sur les armes imposé au Darfour au reste du Soudan et de renforcer ses mécanismes de mise en œuvre, de suivi et de vérification.
 

Les combats ont éclaté au Soudan en avril 2023 entre les Forces armées soudanaises et les forces paramilitaires du Front de libération du Soudan. 

-0- PANA MA/BAI/IS/SOC 14nov2024