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Présent parmi l'agenda du Sommet de la Ligue arabe, le dossier de la Libye otage des intérêts des puissances régionales

Tripoli, Libye (PANA) - Le dossier de la Libye figurera en bonne place parmi les sujets inscrits à l'ordre du jour du 31ème Sommet de la Ligue des Etats arabes abrité du 1er au 2 novembre prochain par Alger qui est très investie dans la recherche d'une solution à la crise libyenne en jouant le médiateur entre les parties libyennes au conflit, un rôle qui lui est âprement disputé par d'autres puissances régionales à l'instar de l'Egypte, de la Turquie et du Maroc, au point de prendre en otage toute possibilité d'un règlement politique, les intérêts particuliers primant sur celui des Libyens, les premiers concernés.

 

L'Algérie a, depuis janvier 2020, entrepris sous la houlette du président Abdelmajid Tebboune, de présenter, lors de la Conférence de Berlin, un une initiative de médiation entre les parties libyennes destinée à reprocher les points de vue des belligérants pour parvenir à une issue à la double crise politico-militaire qui secoue ce pays depuis plus d'une décennie.

 

En dépit des tentatives de réunir les parties libyennes en Algérie, cette initiative du président algérien n'a pas été couronnée de succès, eu égard aux ingérences étrangères très présentes en Libye au point de torpiller toute velléité de trouver un règlement politique.

 

Rappelons qu'à l'époque, la Libye servait de terrain de guerre par procuration que se livrent plusieurs pays ayant accentué le chaos dans le pays et conduit à la dégradation de son économie, à la détérioration des conditions de vie de ses citoyens, à l'approfondissement de la division de ses institutions plaçant le pays au bord de la scission et pouvant le faire basculer, à tout moment, dans une guerre civile.

 

Des pays comme l'Egypte, les Emirats arabes unies, l'Arabe saoudite, la Jordanie, la Russie et la France ont soutenu militairement et politiquement le chef de l'armée libyenne dans l'Est du pays, le maréchal Khalifa Haftar au point de le pousser à s'aventurer dans une attaque hasardeuse contre la capitale et la région Ouest en avril 2019 avant d'être stoppé aux faubourgs de la capitale libyenne et de subir une défaite militaire cinglante, laissant derrière lui une région exsangue avec un lourd bilan de morts et de blessés ainsi que des destructions et dégâts matériels énormes et des milliers de déplacés en plus de dizaines charniers et de champs de mines causant des drames pour les civils.

 

A cela, il faut ajouter le feu vert complice de l'administration du président américain, Donald Trump à Haftar en plus de la guerre par procuration que se livrent la France et l'Italie, ancienne puissance coloniale de la Libye pour imposer leur influence dans le pays.

 

Il aura fallu l'appui du Qatar et notamment de la Turquie au gouvernement de l'Accord national pour renverser l'équilibre miliaire et permettre d'infliger un revers militaire aux troupes de Hafter et leurs alliés.

 

C'est à la faveur de la reprise du processus politique sur fond de défaite militaire du camp de Haftar que le mécanisme de la Conférence de Berlin a permis, grâce au Forum du dialogue politique libyen sous les auspices des Nations unies de parvenir à une feuille de route instituant une transition politique mais dont le point culminant, à savoir, l'organisation des élections générales, le 24 décembre dernier n'a pu être réalisé en raison des facteurs politiques et des lacunes liées aux lois électorales, de l'avis de la Commission électorale libyenne.

 

Cette situation a ramené le pays à la case départ avec une nouvelle impasse politique, débouchant sur l'existence de deux gouvernements concurrents après la désignation par le Parlement d'un gouvernement dirigé par le Premier ministre, Fathi Bachagha, en plus de celui du gouvernement d'unité nationale du Premier ministre, Abdelhamid Al-Dbaiba qui refuse de remettre le pouvoir qu'à une autorité élue.

 

Avec cette nouvelle conjoncture, les ingérences étrangères ont pris de plus belle mais les acteurs régionaux ont changé.

 

Ainsi, la Turquie qui est devenue avec la Russie les principaux acteurs sur la scène en Libye avant que Moscou ne soit embourbée dans la guerre en Ukraine, se livre à une concurrence farouche avec l'Egypte.

 

Malgré un rapprochement dans un passé récent sur le dossier libyen, Ankara et le Caire semblent revenir à des hostilités on ne peut plus ouvertes et directes alimentées, outre, par le regain d'intérêt pour les ressources énergétiques pour des considérations économiques, par des motivations politiques en raison de l'alignement de chacun des deux pays sur les gouvernements en place en Libye.

 

Le récent accord sur la prospection des hydrocarbures en Méditerranée orientale entre le gouvernement d'unité nationale en Libye et le gouvernement turc a ravivé les hostilités entre la Turquie et l'Egypte qui s'est tournée vers la Grève, Chypre et la France pour nouer une alliance afin de contrebalancer l'influence d'Ankara.

 

Ainsi, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukry, a déclaré que "les sessions de dialogue exploratoire avec la Turquie se sont arrêtées après deux rounds, car il n'y a eu aucun changement dans les pratiques de la Turquie en Libye".


Dans une interview accordée à la chaîne d'information "Al-Arabiya", il a appelé "les parties au conflit libyen à respecter l'accord de Skhirat", appelant "les Nations unies et les autorités concernées à traiter avec le gouvernement libyen légitime", en allusion au gouvernement du Premier ministre désigné du Parlement, Fathi Bachagha.

 

Le blocage politique en Libye a attisé par les désaccords au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, favorisant le retour des ingérences étrangères, au point de paralyser l'instance exécutive onusienne et empêcher durant neuf mois la nomination d'un nouvel Envoyé spécial des Nations unies en Libye.

 

Ce n'est que début septembre dernier que le Sénégalais Abdoulaye Bathily a été confirmé comme Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) pour entamer mi-octobre courant les efforts de médiation entre les parties libyennes.

 

La prolongation pour une période d'un an après cinq prolongations techniques de trois mois du mandant de la MANUL, est un signe positif permettant de favoriser la médiation onusienne en Libye.

 

Lors de son briefing lundi dernier devant le Conseil de sécurité, le premier depuis sa prise de fonction, M. Bathily a annoncé vouloir profiter du Sommet de la Ligue arabe à Alger pour promouvoir la recherche d'une solution en Libye.

 

Dans ce cadre, le représentant permanent de l'Algérie auprès de la Ligue arabe, Abdelhamid Chbira, a affirmé que le dossier libyen figurera parmi les points inclus dans les discussions des réunions des délégués permanents, qu'il a qualifiées de "fructueuses" en préparation du Sommet arabe à Alger.

 

Dans des déclarations aux journalistes en marge des réunions préparatoires du Sommet arabe en Algérie repris par la presse libyenne, M. Chbira a ajouté que son pays fait de grands efforts pour régler la situation en Libye, que ce soit au niveau bilatéral ou avec des pays voisins, africains ou des pays internationaux, ainsi qu'au sein de la Ligue arabe.

 

Il a rappelé les efforts de l'Algérie pour régler la situation intérieure et la promotion du dialogue entre les parties à la crise en Libye, dans le but d'organiser des élections présidentielle et législatives "sans ingérence étrangère".

 

Le diplomate algérien a expliqué que son pays fait également pression pour "la sécurité, l'unité et l'intégrité territoriale de la Libye, alors que des travaux sont en cours pour trouver une issue dans les meilleurs délais afin d'organiser des élections libres et équitables pour sortir de la crise prolongée qui a coûté au peuple libyen qui subit d'importantes pertes humaines et matérielles. 

 

Le délégué de l'Algérie, dont le pays a reçu mercredi la présidence tournante de la Ligue arabe de la Tunisie, a évoqué le mot d'ordre "réunification", qui vise à atteindre un niveau minimum de solidarité entre les pays concernés.

 

A noter que le président algérien, Abdelmajid Tebboune, a annoncé qu'il ne reconnaît en Libye que la légitimité internationale qui traite avec le gouvernement d'unité nationale, ce qui implique la non reconnaissance du gouvernement désigné par le Parlement libyen et place l'Algérie dans le camp opposé avec l'Egypte qui soutient le gouvernement rival.

 

Une situation de nature à gêner les efforts d'Alger pour trouver une solution à la crise libyenne lors du Sommet arabe, en raison des restrictions que peuvent lui imposer les manœuvres que pourra déployer le Caire pour torpiller toutes les décisions et résolutions qui seront prises à cet égard.

 

En outre, le Maroc présent au Sommet arabe d'Alger avec l'arrivée historique du ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita, pourrait peser aussi dans la recherche d'un règlement à la crise libyenne au regard de son implication dans la médiation entre les parties libyennes  travers les accords de Skhirat et de Bouznika.

 

Dernièrement, Rabat a relancé sa médiation en Libye abritant la dernière rencontre entre les présidents du Parlement Aguila Saleh et du Haut Conseil d'Etat, Khaled Al-Mechri qui se sont engagés à pouvoir les postes de régaliens de l'Etat libyen en vue de leur unification, d'unifier le pouvoir exécutif d'ici début 2023 et d'œuvrer à l'organisation des élections législatives et présidentielle le plus rapidement possible dans le pays.

 

Cet accord a suscité, toutefois, l'opposition du Premier ministre libyen, Abdelhamid Al-Dbaiba qui a estimé qu'il s'agit d'une nouvelle piste menant à une nouvelle étape de transition alors que l'objectif ultime est d'aller vers des élections conformément aux aspirations des Libyens.

 

La question des ingérences étrangères en particulier les positions de l'Egypte et de la Turquie en Libye, ont suscité la réaction d'activistes libyens qui estiment nécessaire d'y mettre fin pour mettre un terme aux souffrances des Libyens.

 

Ainsi l'activiste politique libyen, Ali Moujahid, a écrit dans un post sur sa page Facebook que : "La résolution n°2656 pour l'année 2022 adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa session tenue le 28 octobre 2022 concernant la Libye n'aura aucun effet et n'aura aucun sens comme toutes les résolutions précédentes, et le peuple libyen continuera à payer les factures avec le sang de leurs enfants et de leurs richesses, à moins que le Conseil ne prenne des mesures fortes et palpables pour arrêter l'ingérence étrangère, en particulier l'ingérence de ces deux pays (Egypte et Turquie) dans les affaires intérieures de la Libye, ou que les États-Unis, si elles est sérieuse, pour freiner l'illusoire l'arrogance du Caire et d'Ankara, qui tournent dans l'orbite américaine".
-0- PANA BY/IS 30oct2022