Les députés de la CEDEAO entament des réunions au Sénégal en vue de mettre fin à la crise politique
Dakar, Sénégal (PANA) - Une équipe du Parlement de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a entamé hier lundi à Dakar, une série de réunions avec les parties prenantes au Sénégal, dans le but de mettre fin à la crise politique qui fait rage et qui a entraîné des manifestations violentes et des morts.
L'Agence de presse sénégalaise (APS) a rapporté que la mission de la CEDEAO arrivée dimanche, a rencontré hier lundi le président de l'Assemblée nationale, et doit également s'entretenir avec divers groupes parlementaires, la société civile et des organisations politiques, selon l'itinéraire.
L'inquiétude grandit quant à l'évolution de la crise politique dans le pays à la suite du report de l'élection présidentielle après que le Parlement a adopté, il y a une semaine, un projet de loi controversé visant à reporter le scrutin présidentiel du 25 février au 15 décembre 2024.
L'Opposition sénégalaise a qualifié cette décision de "coup d'État constitutionnel" et les rues sont le thâtre de manifestations qui auraient fait trois morts.
"Il s'agit tout simplement d'un coup d'État constitutionnel orchestré par le régime en place, en complicité avec la CEDEAO et l'Union européenne", a déclaré Biram Souleye Diop, chef de la coalition parlementaire de l'opposition, Yewwi Askan Wi.
Le député et candidat à l'élection présidentielle, Thierno Alassane Sall, a dénoncé le projet de loi comme étant "illégal".
Le 3 février, le Président Mackay Sall a annoncé qu'il avait abrogé le décret relatif à l'élection du 25 février dans l'attente des résultats d'une commission d'enquête parlementaire visant à clarifier les conditions dans lesquelles certaines candidatures ont été déclarées irrecevables.
Des images télévisées ont montré des manifestants brûlant des pneus et d'autres objets dans les rues et se heurtant à la police qui a tiré des grenades lacrymogènes pour les disperser.
Selon l'APS, les députés de la CEDEAO devraient également tenir une séance de travail avec le Conseil constitutionnel mardi, et rendre une visite de courtoisie au Président Sall "en fonction de sa disponibilité". La délégation quittera Dakar jeudi.
La Commission de la CEDEAO, les Etats-Unis, la Commission de l'Union africaine, la Commission européenne et la Gambie sont parmi les organisations et les pays qui ont exprimé leur inquiétude face à la crise et appelé au rétablissement du calendrier électoral.
La Commission de la CEDEAO a déconseillé "toute action ou déclaration susceptible de contrevenir aux dispositions de la Constitution du pays".
Elle a également rappelé à la population et à la classe politique leurs responsabilités dans le maintien de la paix et de la stabilité.
"La Commission de la CEDEAO encourage la classe politique à prendre des mesures urgentes pour rétablir le calendrier électoral, conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal.
"En ces temps difficiles pour le pays et la région, la Commission appelle toutes les parties prenantes à éviter la violence et toute autre action susceptible de perturber davantage la paix et la stabilité du pays.
La CEDEAO a également exhorté les forces de l'ordre à faire preuve de la plus grande retenue et à protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens.
Les États-Unis se sont déclarés "profondément préoccupés" par les mesures prises pour retarder l'élection, qui vont à l'encontre de la forte tradition démocratique du Sénégal.
"Nous sommes particulièrement alarmés par les informations selon lesquelles les forces de sécurité ont emmené de force des parlementaires qui s'opposaient à un projet de loi visant à retarder l'élection, ce qui a abouti à un vote de l'Assemblée nationale qui ne peut être considéré comme légitime étant donné les conditions dans lesquelles il s'est déroulé.
Les États-Unis ont exhorté le gouvernement à "procéder à l'élection présidentielle conformément à la Constitution et aux lois électorales".
Dans une déclaration, la Commission de l'Union africaine a appelé à la résolution de tout différend politique "par la consultation, la compréhension et le dialogue civilisé, dans le strict respect des principes qui régissent l'État de droit, dont le pays a une tradition historique profondément enracinée".
Le deuxième mandat du président Sall s'achève officiellement le 2 avril et il a déclaré qu'il ne briguerait pas un troisième mandat.
Le projet de loi initial prévoyait le report de l'élection de six mois, mais un amendement tardif du 5 février a reporté l'élection au 15 décembre.
Le projet de loi devait être adopté par les trois cinquièmes des 165 députés et 105 députés l'ont adopté, plongeant le pays dans une période d'incertitude.
On craint que le pays ne connaisse à nouveau les manifestations sanglantes qui ont suivi la condamnation du chef de l'Opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, à deux ans de prison pour "corruption de la jeunesse" et qui ont coûté la vie à 16 personnes, tandis que des centaines d'autres ont été blessées.
Samira Daoud, directrice du Bureau régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale, a appelé les autorités et les forces de sécurité à respecter et à protéger le droit de réunion pacifique et à s'abstenir de recourir à un usage excessif de la force.
"L'arrêt brutal par le gouvernement de l'accès à Internet via les données mobiles et de la diffusion de Walf TV, ainsi que le retrait de sa licence, constituent une atteinte flagrante à la liberté d'expression et aux droits de la presse protégés par la Constitution sénégalaise et la loi sur la liberté d'expression", a-t-il ajouté.
-0- PANA MA/RA/BAI/IS/SOC 12févr2024