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Les Nations unies suspendent la remise des camps au Darfour à l'armée soudanaise

New York, Etats-Unis (PANA) - La Mission conjointe de l’Union africaine et des Nations unies au Darfour (MINUAD) suspend la remise à l'armée soudanaise de nouveaux camps de civils déplacés, dans un contexte d'aggravation de la violence et de l'insécurité dans le pays.

Briefant le Conseil de sécurité, le patron des Opérations de maintien de la paix des Nations unies, Jean Pierre Lacroix, a déclaré vendredi que la répression militaire meurtrière du 3 juin dans la capitale, Khartoum, a mis en lumière le rôle central des forces de soutien rapide liées au Darfour, qui auraient été, en grande partie, composée de l'ancienne milice Janjaweed, accusée de graves violations des droits de l'homme.

Lors du conflit qui a opposé en 2003 au Darfour le gouvernement et ses alliés aux miliciens et groupes rebelles, l'ONU avait estimé à environ 300.000 le nombre de personnes tuées et à environ 2,7 millions le nombre de personnes déplacées de force, précise un communiqué onusien.

L'ancien président Omar el-Béchir a été inculpé neuf ans auparavant de crimes de guerre, notamment de génocide.

M. Lacroix a déclaré que le Conseil militaire de transition au Soudan, qui a dirigé la violente répression contre les manifestations "au début de ce mois en faveur de la démocratie dans la capitale, avait décrété le 13 mai que la MINUAD "devait remettre tous les camps "aux forces de soutien rapide , ce qui est contraire aux règles et procédures de l'ONU".

"Compte tenu de ces développements, nous n'avons pas eu d'autre choix que de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises jusqu'à l'annulation du décret TMC", a-t-il déclaré aux membres.

M. Lacroix a indiqué que les patrons de la mission faisaient de leur mieux pour maintenir des contacts normaux avec les autorités, mais qu'au Darfour même, "le processus politique est dans une impasse".

Une crise humanitaire prolongée signifie que 1,5 million de personnes continuent de vivre dans des camps, et les défis combinés impliquent la nécessité d'une ''approche globale allant au-delà du maintien de la paix'', a-t-il ajouté.

Il a souligné que le conventionnel maintien de la paix "ne constituait plus l'outil le plus approprié", exigeant de la MINUAD qu'elle "revoie de manière plus appropriée sa position".

Il a ajouté que le dernier rapport de l'ONU et de l'UA sur la mission et son mandat avait souligné le retrait progressif de la MINUAD en 2020, "reflétant les réalités actuelles", sous réserve d'un examen en novembre.

"Nous appelons les membres du Conseil de sécurité à examiner attentivement les options pour la réduction et la suppression de la MINUAD", a-t-il conclu.

Le Secrétaire général-adjoint des Nations unies chargé des droits de l'homme, Andrew Gilmour, a déclaré à ses membres que, même si la violence entre milices a diminué, la situation des droits de l'homme s'est globalement aggravée, "avec de plus en plus de meurtres, d'enlèvements, de violence sexuelle, entre autres violations".

Les ''répercussions'' des meurtres et des abus sont bien réelles à Khartoum, a-t-il déclaré, soulignant que 47 personnes ont été tuées et 186 blessées dans diverses régions du Darfour au cours des trois derniers mois de soulèvement au niveau national.

Au cours des deux derniers mois, 163 civils ont été arrêtés et détenus pour des manifestations au Darfour, et la section des droits de l'homme de la MINUAD "a été informée du harcèlement accru de civils et du pillage de maisons et de bétail par les forces de soutien rapide", a indiqué M. Gilmour.

"Nous pensons que de nombreux cas au Darfour sont inconnus et non déclarés en raison du manque d'accès à certaines parties de la région", a-t-il souligné.

"Dans un contexte de violence et d'incertitude, défendre les priorités de la protection des civils et des droits de l'homme dans le mandat de la MINUAD revêt une importance primordiale," a-t-il estimé.

Une présence civile renforcée dans la mission "aura un impact positif sur la protection des civils", a-t-il affirmé, et il était essentiel de maintenir intacte la "collaboration positive" avec les institutions nationales de défense des droits de l’homme.

L'agence de coordination de l'aide humanitaire des Nations unies, OCHA, a déclaré vendredi lors d'un point de presse destiné aux journalistes à Genève que les besoins resteraient au niveau de la crise au Darfour.

"La crise humanitaire perdure dans la région du Darfour qui est touchée par ce qui se passe", a déclaré le porte-parole, Jens Laerke.

Les violentes attaques inter-communautaires, les inondations dévastatrices ainsi qu'une campagne de désobéissance civile et la perturbation des services d’Internet et des réseaux téléphoniques ont tous entravé les opérations dans la vaste région occidentale, a indiqué le porte-parole de l'OCHA.

Il a annoncé mardi qu'une mission de la MINUAD s'était rendue à Deleij, dans le centre du Darfour, à la suite d'informations faisant état ''d'affrontements entre tribus''.

La MINUAD "a confirmé que 17 personnes ont été tuées, 15 blessées et plus de 100 maisons brûlées", a expliqué M. Laerke, à la suite d'informations selon lesquelles, les affrontements auraient impliqué des affrontements entre nomades et résidents, contrariés par la hausse des prix sur le marché local.

-0- PANA MA/ASA/JSG/SOC 15juin2019