Agence Panafricaine d'information

Le conflit entre puissances régionales continue à alimenter la crise libyenne

Tripoli, Libye (PANA)- L'incident du retrait du ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, de la 158ème session ordinaire du Conseil de la Ligue arabe au niveau ministériel , mardi au Caire en Egypte, pour protester contre la présidence de la réunion par la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Al-Mangouch, dont le pays assure la présidence tournante, sous prétexte que le mandat du gouvernement d'unité nationale est terminé, dévoile, la persistance des luttes d'influence que se livrent les puissances régionales, en particulier, le Caire et Ankara après que la Russie se soit éclipsée en raison de la guerre en Ukraine.

 

La Libye a succédé au Liban pour six mois à la présidence de l'actuelle session du Conseil de la Ligue des États arabes au niveau ministériel.

 

Le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri et la délégation qui l'accompagne se sont retirés de la séance d'ouverture de la 158e session ordinaire du Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères, tenue, mardi, dans la capitale égyptienne, Le Caire, après la fin du discours du ministre libanais des Affaires étrangères, qui a présidé la précédente session du Conseil des ministres arabes, et sa passation de la parole à la ministre des Affaires étrangères du gouvernement d'unité nationale, Najla Al-Mangouch, qui préside la session actuelle du Conseil.

 

Le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Hafedh, a déclaré que "la délégation égyptienne a quitté la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de la Ligue des États arabes avec la prise par Najla Al-Mangouch (ministre des Affaires étrangères du gouvernement d'unité nationale) de la présidence, assurant que c'est une expression par l'Égypte d'une réserve quant à la prise de la présidence par un représentant d'un gouvernement dont le mandat est achevé".

 

En réaction, la ministre libyenne des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du gouvernement d'unité nationale, Najla Al-Mangouch, a  indiqué qu'"elle respecte la position du ministre égyptien, mais elle n'est pas d'accord avec lui".

 

Mme Al-Mangouch a déclaré aux journalistes, que sa présence "est soutenue par la communauté internationale, puisque le gouvernement d'unité nationale est le gouvernement de transition internationalement reconnu en Libye dans le cadre du processus de Berlin et de la conférence de Paris". 

 

Mais au-delà de ces explications formelles, ce retrait de l'Egypte reflète la résurgence du conflit entre le Caire et Ankara à propos du dossier libyen, chacun essayant de préserver ses intérêts dans ce riche pays pétrolier d'Afrique du Nord.

 

Cela s'inscrit dans la logique du contexte qui prévaut actuellement en Libye marqué par le retour à la division des institutions à la suite du report des élections de décembre dernier, débouchant sur une impasse du processus politique incarné par l'apparition de deux gouvernements, celui désigné par le Parlement libyen du Premier ministre, Fathi Bachagha qui veut prendre ses fonctions à Tripoli au lieu de Syrte (Centre) où il opère actuellement et le gouvernement d'unité nationale du Premier ministre, Abdelhamid Al-Dbaiba, issu du Forum du dialogue politique libyen sous les auspices des Nations unies qui refuse de faire la passation du pouvoir qu'à une autorité élue.

 

L'Egypte qui est alliée à la région de l'Est de la Libye qui lui est frontalière, à travers le président du Parlement, Aguila Saleh et le chef de l'armée nationale libyenne, le maréchal Khalifa Haftar, a apporté son soutien au gouvernement Bachagha originaire de Misrata à l'Ouest mais qui a noué une alliance avec les deux principaux acteurs de la région orientale précités.

 

La Turquie qui a soutenu la région Ouest et a contribué à repousser l'attaque lancée en avril 2019 par Haftar contre Tripoli et la région Ouest bien qu'elle a opéré un rapprochement avec le Parlement et la région Est, continue toujours à apporter son appui au gouvernement d'unité nationale.

 

Les derniers affrontements à Tripoli le 27 août dernier faisant 44 morts et 159 blessés, ont ravivé la tension dans le pays et attisé la concurrence entre ces deux puissances régionales très impliquées dans le dossier libyen, surtout après des informations faisant état de l'usage de drones turcs dans cette bataille entre les partisans des deux gouvernements dans la capitale libyenne et qui a tourné en faveur du gouvernement d'Al-Dbaiba, réussissant à expulser les autres formations armées qui lui sont hostiles de la ville.

 

Commentant l'incident du retrait du ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, de la session de la Ligue arabe, qui était présidée par la ministre des Affaires étrangères du gouvernement d'unité nationale, Najla Al-Mangouch, l'analyste politique libyen, Ali Moujahid a écrit: "Nous réaffirmons pour la millionième fois que la crise étouffante que vit la Libye est en fait un conflit, tantôt déclaré, tantôt non déclaré, entre Le Caire et Ankara se tenant derrière lui et déclenché par des forces internationales, régionales et même d'autres naines".

 

Dans un post sur sa page Facebook intitulé: " Encore une fois, la crise libyenne est une lutte entre Le Caire et Ankara", M. Moujahid a souligné que "l'Égypte travaille toujours sur le projet de contrôle militaire pour assurer ses intérêts en Libye, et ses intérêts se sont accrus après la crise du barrage éthiopien de la Renaissance, qui menace l'Égypte de soif et au moins de rationnement de l'eau, tandis que la Turquie travaille pour assurer ses intérêts grâce à l'accès aux eaux libyennes pour être un partenaire solide dans les ressources énergétiques en Méditerranée".

 

Par conséquent, a-t-il ajouté "ni l'Égypte ni la Turquie ne peuvent être des parties neutres dans la crise libyenne ou une arène neutre dans laquelle les soi-disant responsables libyens qui ne s'écartent pas de l'allégeance au Caire et à Ankara, négocient".

 

Il a rappelé que seuls l'Egypte et la Russie sont les deux seuls pays qui reconnaissent le gouvernement Bachagha.

 

En effet, cette réalité a été vérifiée par le fait qu'aucun autre pays présent lors de la 158ème session du Conseil de la Ligue arabe ne s'est retiré de la réunion du Caire.
-0- PANA BY/IS 07sept2022