PANAPRESS
Agence Panafricaine d'information
Le Bénin s’enlise, une nouvelle fois, dans un scandale juridico-politique (par Thérèse Isseki)
Cotonou, Bénin (PANA) - Quatre ans après l’affaire dite de tentative d’assassinat du chef de l’Etat ayant opposé le président Boni Yayi á son ami Patrice Talon qui lui a succédé en avril dernier, l’affaire dite de trafic de drogue impliquant le président du patronat béninois risque de plonger le Bénin, une fois encore, dans un scandale juridico-politique.
Depuis l’interpellation et la mise en garde à vue vendredi dernier de Sébastien Germain Ajavon, Président directeur général de COMMON SA et président du patronat béninois, Cotonou et d’autres localités du Bénin restent suspendues à la libération du magnat de la volaille et des produits congelés.
Quatre ans après les affaires dites de tentative d’empoisonnement du président de la République et de tentative de coup d’Etat, les Béninois renouent avec l’incertitude et la crainte du lendemain.
Les barricades érigées autour du tribunal et des environs de la brigade territoriale où est gardé l’homme d’affaires avec un impressionnant dispositif sécuritaire que défie de loin la foule tous les jours grandissante des soutiens du PDG ont fini par convaincre le citoyen arpentant ces zones que la paix et la sécurité du Bénin ne tiennent qu’à un fil.
Pour Achille Dénanon, cadre de banque et qui doit tous les jours garer sa voiture loin de son lieu habituel de travail et montrer patte blanche en allant ou en venant du bureau, «nous nous vantons d’être un havre de paix, mais nous sommes une poudrière qui s’ignore».
Une restauratrice, la cinquantaine qui a vu son chiffre d’affaires s’accroître en cinq jours du fait de l’affluence dans la zone, ne se réjouit pas pour autant. «Nous ne sommes pas tranquille, nous faisons attention à tous nos faits et gestes. Il suffit qu’un fou défie le dispositif sécuritaire pour que tout aille dans tous les sens».
Même les simples usagers des voies environnantes crient leur ras le bol du fait de la présence des forces de sécurité ou des déviations causées par la fermeture de certaines jonctions et des embouteillages qui s’ensuivent sur d’autres artères.
Outre les partisans de l’homme d’affaires arrivé troisième lors du premier tour de la présidentielle de mars dernier et qui a soutenu l’actuel président de la République au second tour, hommes politiques, leaders charismatiques, organisations de la société civile, tout le monde plaide pour une relaxe pure et simple du mis en cause.
La presse locale et surtout les réseaux sociaux en font leurs choux gras, publiant des informations qui parfois pèchent par leur caractère d’incitation à la violence et au soulèvement populaire.
Devant l’insistance de la société civile qui réclame le droit à l’information officielle, le Procureur de la République déclare que la Société Common SA a fait embarquer, depuis le Brésil à destination du Bénin, deux conteneurs qui ont été transbordés à Las Palmas avant d’être acheminés sur Cotonou, après une escale à Lagos.
La veille de l’arrivée des conteneurs, cette société aurait déposé auprès des services de douanes «des déclarations sommaires «en vue de lui permettre de procéder à l’enlèvement immédiat desdits conteneurs, par le biais d’une procédure spéciale".
«…c’est dans ces conditions que des informations nécessitant une inspection des conteneurs sont parvenues aux services béninois dans le cadre de la coopération internationale pour la lutte contre les stupéfiants», souligne le procureur, qui rassure qu’une commission d’enquête est à pied d’oeuvre pour la manifestation de la vérité.
La réplique des avocats de M. Ajavon ne s’est pas fait attendre ; ils ont relevé qu’il s’agit plutôt de seize (16) conteneurs dont les deux évoqués qui ont été débarqués au Port de Cotonou pour le compte de la société Common Sa et que la procédure spéciale évoquée par le procureur n’est rien d’autre que le transfert sous le contrôle de la douane, de la sécurité présidentielle et du vétérinaire agréé, conformément à un agrément du 24 août 2011.
Des seize conteneurs débarqués, quatorze ont été transférés sous douane en raison de ce que les connaissements originaux relatifs à ces conteneurs étaient disponibles.
Selon les avocats, des deux conteneurs en cause, celui dont les scellés d’origine ont été violés et remplacés et dans lequel les produits incriminés ont été découverts a été retiré de la garde du manutentionnaire et déposé à la brigade maritime à l’insu de la société.
«Le plomb de substitution apposé est un plomb qui n’est plus utilisé dans le transport maritime depuis plus de sept ans», relèvent les avocats qui se disent surpris que seuls M. Sébastien Ajavon et ses collaborateurs, qui n’ont jamais eu accès au conteneur, soient l’objet de garde à vue. Ils en concluent que la garde à vue de leurs quatre clients est arbitraire et demandent leur libération immédiate.
Malgré ces explications des deux parties, certains compatriotes de Ajavon sont convaincus qu’il s’agit d’un complot pour éliminer leur idole de la présidentielle de 2021.
Reconnu pour ses positions en matière d’atteinte aux libertés, le Parti communiste du Bénin «réprouve cette arrestation et met en garde contre toute dérive qui aurait pour conséquence d’embrouiller les choses et d’entraver la manifestation de la vérité».
Plusieurs acteurs politiques dont des députés, ont eux aussi fustigé l’interpellation de M. Ajavon et de ses collaborateurs, invitant le chef de l’Etat à œuvrer pour leur libération et la manifestation de la vérité.
Pour Daniel Edah, candidat malheureux à la présidentielle de mars dernier qui craint que cette affaire ne soit du même acabit que celles connues, il y a peu par le Bénin, déclare : « Si le Président Ajavon est coupable, que la loi lui soit appliquée. Car aucun patriote ne saurait cautionner que le Bénin soit indexé comme plaque tournante de trafic de drogues». il met en garde contre des pratiques rejetées par le peuple lors de la présidentielle de mars.
L’ancien président de la République, Nicéphore Soglo (1991-1996) invite, pour sa part, le peuple au calme, à la sérénité et la détermination «car notre ennemi commun, c’est la misère, l’ignorance et l’injustice. Nous devons ensemble nous ceindre les reins pour relever un grand défi : la Renaissance ».
M. Ajavon n’a pas été abandonné par ses pairs du Conseil National du Patronat du Bénin qui, dans un communiqué, lui apportent tout leur soutien, «lui réitère toute leur confiance, l’assure de la certitude de son intégrité, de sa probité et de son honnêteté», invitant l’ensemble des Béninois à rester optimistes sur le bon dénouement de cette affaire que la justice a déjà prise en main.
L’ancien président de la Cour constitutionnelle, Me Robert Dossou, relève un manque de professionnalisme dans la gestion du dossier.
Dans une interview au quotidien "La Nouvelle Tribune", l’ancien bâtonnier déclare : « … cette affaire Sébastien Ajavon, vraiment, nous révèle un peu comme si notre pays était un désert de compétence. Parce que l’affaire est menée, de mon point de vue, hors de tout professionnalisme».
Il relève : « …le premier point clé, c’est qu’il faut partir du droit maritime et de tout le processus du transport maritime. C’est le point capital et jusque-ici, je n’entends personne aborder cette question. Deuxième point, c’est l’instrumentalisation de nos institutions. Troisième point, je me demande pourquoi cette récurrence dans nos errements. On peut se tromper une fois dans une nation, mais il y a une récurrence qui m’effraie, m’intrigue et parfois même, me révolte».
Poursuivant son analyse, l’avocat de renommée internationale explique que «dans le cas d’espèce, lorsqu’on découvre une marchandise prohibée dans un conteneur qui plus est, a eu ses scellés cassés et remplacés par d’autres qui ne sont pas des scellés d’origine, on fait d’abord l’enquête. Les scellés ont été cassés par qui ? Quand ? Dans quelle circonstance ?. On interroge les deux transporteurs. On vérifie au départ si c’est parti intact. Si c’est le cas, on suit la chaîne de transport. Mais le réceptionnaire ne peut pas être au départ de cette enquête. C’est clair et c’est net, c’est une incompréhension radicale, totale et une aberration de mon point de vue».
L’ancien Médiateur de la République, Albert Tévoédjrè, s’inquiète lui, de la grave menace qui plane sur la paix, compte tenu de la dangereuse proportion que prend cette affaire. Il s’engage à en discuter avec le président Talon, garant de la constitution et des libertés.
Les centrales et confédérations syndicales ont, pour leur part, organisé jeudi soir, une conférence de presse pour appeler à la normalisation de la procédure judiciaire en vue de garantir le respect des droits des mis en cause dans cette affaire. Pour les syndicalistes, « nul n’a besoin d’être juriste pour comprendre que les personnes maintenues en détention dans cette affaire le sont de façon arbitraire».
Ils se demandent ce que gagne le Bénin dans l’affaiblissement de la réputation de cet homme promoteur de milliers d’emplois.
A l’instar des affaires «tentative d’empoisonnement du président de la République et «tentative de coup d’Etat» qui avaient opposé l’actuel président á son prédécesseur, l’affaire de la cocaïne a transformé Cotonou en une ville morte et sans ambiance, si ce n’est la clameur des partisans du mis en cause aux abords du lieu de sa garde à vue ou du tribunal.
Dans d’autres localités béninoises dont certaines ont organisé des manifestations bloquant la voie inter- Etats Lomé (Togo), Cotonou, la vie semble être suspendue à la libération de Sébastien Ajavon qui, depuis ce matin, est au Tribunal, au terme de 8 jours de garde à vue.
-0- PANA IT/IS/SOC 04nov2016
Depuis l’interpellation et la mise en garde à vue vendredi dernier de Sébastien Germain Ajavon, Président directeur général de COMMON SA et président du patronat béninois, Cotonou et d’autres localités du Bénin restent suspendues à la libération du magnat de la volaille et des produits congelés.
Quatre ans après les affaires dites de tentative d’empoisonnement du président de la République et de tentative de coup d’Etat, les Béninois renouent avec l’incertitude et la crainte du lendemain.
Les barricades érigées autour du tribunal et des environs de la brigade territoriale où est gardé l’homme d’affaires avec un impressionnant dispositif sécuritaire que défie de loin la foule tous les jours grandissante des soutiens du PDG ont fini par convaincre le citoyen arpentant ces zones que la paix et la sécurité du Bénin ne tiennent qu’à un fil.
Pour Achille Dénanon, cadre de banque et qui doit tous les jours garer sa voiture loin de son lieu habituel de travail et montrer patte blanche en allant ou en venant du bureau, «nous nous vantons d’être un havre de paix, mais nous sommes une poudrière qui s’ignore».
Une restauratrice, la cinquantaine qui a vu son chiffre d’affaires s’accroître en cinq jours du fait de l’affluence dans la zone, ne se réjouit pas pour autant. «Nous ne sommes pas tranquille, nous faisons attention à tous nos faits et gestes. Il suffit qu’un fou défie le dispositif sécuritaire pour que tout aille dans tous les sens».
Même les simples usagers des voies environnantes crient leur ras le bol du fait de la présence des forces de sécurité ou des déviations causées par la fermeture de certaines jonctions et des embouteillages qui s’ensuivent sur d’autres artères.
Outre les partisans de l’homme d’affaires arrivé troisième lors du premier tour de la présidentielle de mars dernier et qui a soutenu l’actuel président de la République au second tour, hommes politiques, leaders charismatiques, organisations de la société civile, tout le monde plaide pour une relaxe pure et simple du mis en cause.
La presse locale et surtout les réseaux sociaux en font leurs choux gras, publiant des informations qui parfois pèchent par leur caractère d’incitation à la violence et au soulèvement populaire.
Devant l’insistance de la société civile qui réclame le droit à l’information officielle, le Procureur de la République déclare que la Société Common SA a fait embarquer, depuis le Brésil à destination du Bénin, deux conteneurs qui ont été transbordés à Las Palmas avant d’être acheminés sur Cotonou, après une escale à Lagos.
La veille de l’arrivée des conteneurs, cette société aurait déposé auprès des services de douanes «des déclarations sommaires «en vue de lui permettre de procéder à l’enlèvement immédiat desdits conteneurs, par le biais d’une procédure spéciale".
«…c’est dans ces conditions que des informations nécessitant une inspection des conteneurs sont parvenues aux services béninois dans le cadre de la coopération internationale pour la lutte contre les stupéfiants», souligne le procureur, qui rassure qu’une commission d’enquête est à pied d’oeuvre pour la manifestation de la vérité.
La réplique des avocats de M. Ajavon ne s’est pas fait attendre ; ils ont relevé qu’il s’agit plutôt de seize (16) conteneurs dont les deux évoqués qui ont été débarqués au Port de Cotonou pour le compte de la société Common Sa et que la procédure spéciale évoquée par le procureur n’est rien d’autre que le transfert sous le contrôle de la douane, de la sécurité présidentielle et du vétérinaire agréé, conformément à un agrément du 24 août 2011.
Des seize conteneurs débarqués, quatorze ont été transférés sous douane en raison de ce que les connaissements originaux relatifs à ces conteneurs étaient disponibles.
Selon les avocats, des deux conteneurs en cause, celui dont les scellés d’origine ont été violés et remplacés et dans lequel les produits incriminés ont été découverts a été retiré de la garde du manutentionnaire et déposé à la brigade maritime à l’insu de la société.
«Le plomb de substitution apposé est un plomb qui n’est plus utilisé dans le transport maritime depuis plus de sept ans», relèvent les avocats qui se disent surpris que seuls M. Sébastien Ajavon et ses collaborateurs, qui n’ont jamais eu accès au conteneur, soient l’objet de garde à vue. Ils en concluent que la garde à vue de leurs quatre clients est arbitraire et demandent leur libération immédiate.
Malgré ces explications des deux parties, certains compatriotes de Ajavon sont convaincus qu’il s’agit d’un complot pour éliminer leur idole de la présidentielle de 2021.
Reconnu pour ses positions en matière d’atteinte aux libertés, le Parti communiste du Bénin «réprouve cette arrestation et met en garde contre toute dérive qui aurait pour conséquence d’embrouiller les choses et d’entraver la manifestation de la vérité».
Plusieurs acteurs politiques dont des députés, ont eux aussi fustigé l’interpellation de M. Ajavon et de ses collaborateurs, invitant le chef de l’Etat à œuvrer pour leur libération et la manifestation de la vérité.
Pour Daniel Edah, candidat malheureux à la présidentielle de mars dernier qui craint que cette affaire ne soit du même acabit que celles connues, il y a peu par le Bénin, déclare : « Si le Président Ajavon est coupable, que la loi lui soit appliquée. Car aucun patriote ne saurait cautionner que le Bénin soit indexé comme plaque tournante de trafic de drogues». il met en garde contre des pratiques rejetées par le peuple lors de la présidentielle de mars.
L’ancien président de la République, Nicéphore Soglo (1991-1996) invite, pour sa part, le peuple au calme, à la sérénité et la détermination «car notre ennemi commun, c’est la misère, l’ignorance et l’injustice. Nous devons ensemble nous ceindre les reins pour relever un grand défi : la Renaissance ».
M. Ajavon n’a pas été abandonné par ses pairs du Conseil National du Patronat du Bénin qui, dans un communiqué, lui apportent tout leur soutien, «lui réitère toute leur confiance, l’assure de la certitude de son intégrité, de sa probité et de son honnêteté», invitant l’ensemble des Béninois à rester optimistes sur le bon dénouement de cette affaire que la justice a déjà prise en main.
L’ancien président de la Cour constitutionnelle, Me Robert Dossou, relève un manque de professionnalisme dans la gestion du dossier.
Dans une interview au quotidien "La Nouvelle Tribune", l’ancien bâtonnier déclare : « … cette affaire Sébastien Ajavon, vraiment, nous révèle un peu comme si notre pays était un désert de compétence. Parce que l’affaire est menée, de mon point de vue, hors de tout professionnalisme».
Il relève : « …le premier point clé, c’est qu’il faut partir du droit maritime et de tout le processus du transport maritime. C’est le point capital et jusque-ici, je n’entends personne aborder cette question. Deuxième point, c’est l’instrumentalisation de nos institutions. Troisième point, je me demande pourquoi cette récurrence dans nos errements. On peut se tromper une fois dans une nation, mais il y a une récurrence qui m’effraie, m’intrigue et parfois même, me révolte».
Poursuivant son analyse, l’avocat de renommée internationale explique que «dans le cas d’espèce, lorsqu’on découvre une marchandise prohibée dans un conteneur qui plus est, a eu ses scellés cassés et remplacés par d’autres qui ne sont pas des scellés d’origine, on fait d’abord l’enquête. Les scellés ont été cassés par qui ? Quand ? Dans quelle circonstance ?. On interroge les deux transporteurs. On vérifie au départ si c’est parti intact. Si c’est le cas, on suit la chaîne de transport. Mais le réceptionnaire ne peut pas être au départ de cette enquête. C’est clair et c’est net, c’est une incompréhension radicale, totale et une aberration de mon point de vue».
L’ancien Médiateur de la République, Albert Tévoédjrè, s’inquiète lui, de la grave menace qui plane sur la paix, compte tenu de la dangereuse proportion que prend cette affaire. Il s’engage à en discuter avec le président Talon, garant de la constitution et des libertés.
Les centrales et confédérations syndicales ont, pour leur part, organisé jeudi soir, une conférence de presse pour appeler à la normalisation de la procédure judiciaire en vue de garantir le respect des droits des mis en cause dans cette affaire. Pour les syndicalistes, « nul n’a besoin d’être juriste pour comprendre que les personnes maintenues en détention dans cette affaire le sont de façon arbitraire».
Ils se demandent ce que gagne le Bénin dans l’affaiblissement de la réputation de cet homme promoteur de milliers d’emplois.
A l’instar des affaires «tentative d’empoisonnement du président de la République et «tentative de coup d’Etat» qui avaient opposé l’actuel président á son prédécesseur, l’affaire de la cocaïne a transformé Cotonou en une ville morte et sans ambiance, si ce n’est la clameur des partisans du mis en cause aux abords du lieu de sa garde à vue ou du tribunal.
Dans d’autres localités béninoises dont certaines ont organisé des manifestations bloquant la voie inter- Etats Lomé (Togo), Cotonou, la vie semble être suspendue à la libération de Sébastien Ajavon qui, depuis ce matin, est au Tribunal, au terme de 8 jours de garde à vue.
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