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Agence Panafricaine d'information
La déliquescence de l'enseignement en Libye, reflet du chaos dans le pays
Tripoli, Libye (PANA) - Par Youssef Ba, correspondant de la PANA à Tripoli
Les écoliers de Tripoli et dans certaines villes de l'Ouest du pays, au niveau du primaire et du collège, ont repris ce dimanche le chemin de l'école, dans le cadre de la nouvelle année académique 2015/2016, alors que dans le reste des régions, les élèves ont poursuivi leurs vacances en attendant la désignation d'une date pour le démarrage de la nouvelle année scolaire, une situation qui illustre l'état de division dans le pays où deux gouvernements et deux Parlements se disputent le pouvoir.
Cette reprise en rang dispersé de la nouvelle année scolaire montre que l'enseignement, un secteur aussi sensible en Libye, est touché par cette partition qui s'est installée dans le pays, résultant du bicéphalisme au niveau de l'Etat libyen depuis août 2014, avec la prise de contrôle de Tripoli par la coalition des milices islamistes de "Fajar Libya" et l'installation de nouvelles autorités parallèles à Tripoli.
Même les examens nationaux ont connu cette année une certaine cacophonie pour avoir été organisés à des dates différentes dans plusieurs régions et villes, tout comme les universités.
Pourtant, le secteur de l'enseignement en Libye avait atteint avant la révolution du 17 février 2011, un stade important en dépit des lacunes et dysfonctionnements qui l'affectaient dans le contexte des méthodes populistes du régime de Mouammar Kadhafi, qui l'a vidé de sa substance, le cantonnant en une machine à former des élèves dépourvus de compétences leur permettant d'affronter la vie professionnelle et active.
Sous le régime de Kadhafi, l'enseignement en Libye comptait en 2010 quelque 1,7 million de personnes dont 270.000 étudiants. L'éducation était gratuite pour tous les citoyens et obligatoire jusqu'au niveau du secondaire. Le taux d'alphabétisation, avec 82 % de la population sachant lire et écrire, était le plus élevé d'Afrique du Nord.
Le nombre d'étudiants a atteint 200.000 en 2004, auxquels il faut ajouter 70.000 personnes suivant des formations de techniciens supérieurs ou des formations professionnelles. La croissance rapide des effectifs s'est traduite par un accroissement parallèle du nombre d'établissements d'Enseignement supérieur.
Le nombre d'universités est passé depuis 1975 de 2 à 9 et le nombre d'instituts de formation professionnelle et de techniciens supérieurs est passé à 8.494. L'Enseignement supérieur est financé essentiellement par le budget national et représente 38,2 % de celui-ci.
Toutefois, le niveau des élèves était très bas malgré les programmes concoctés par des spécialistes et inspirés de modèles tels que celui de l'Indonésie réputée pour sa réussite en la matière.
La maîtrise des langues étrangères faisait terriblement défaut et était quasi-inexistante et ce n'est que vers les années 2008 que l'ancien régime, dans le cadre d'une nouvelle politique d'ouverture sur l'Occident, a commencé à réintroduire l'enseignement de l'anglais et du français dans les cursus scolaire en Libye.
Mais cet héritage a été sérieusement ébranlé lors de la révolution de 2011 qui a renversé le régime de Kadhafi avec dès le départ la destruction de certaines écoles et de certaines infrastructures académiques, notamment lors des bombardements des avions de chasse de l'OTAN.
Cette destruction s'est poursuivie durant les combats terrestres menés par des révolutionnaires contre les troupes de Kadhafi et plus tard lors des affrontements entre groupes armés et milices rivales.
En outre, ces affrontements ont poussé de nombreuses familles libyennes à se déplacer à l'intérieur du pays, perturbant la mode de vie de ces citoyens et les mettant dans la précarité sociale en raison du manque des structures d'accueil.
Des déplacements sont survenus vers Benghazi, Derna, ainsi qu'à proximité du golfe de Syrte, à Ben Jawad et Ras Lanouf dans l'Est du pays, avec pour la seule ville de Benghazi, près de 90.000 personnes dans l'incapacité de rentrer chez elles.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a estimé le nombre de personnes déplacées à l'intérieur à travers la Libye à environ 400.000. De plus, la Libye accueille près de 37.000 réfugiés et demandeurs d'asile de différentes nationalités dont les conditions humanitaires sont de plus en plus précaires, selon le HCR.
Près de la capitale du pays, à l'ouest de Tripoli, des ONG et le conseil local estiment que plus de 83.200 personnes vivent dans des camps, des écoles ou des bâtiments abandonnés. Beaucoup sont dans l'incapacité d'accéder à des soins ou à l'éducation pour leurs enfants. Un nombre important reçoit une allocation limitée d'aide en espèces pour la nourriture, selon la même source.
Cette situation a des répercussions déplorables sur l'enseignement, étant donné que des écoles sont squattées et ne peuvent plus être utilisées pour recevoir des élèves ni servir de structures éducatives. En plus, plusieurs milliers d'élèves n'ont pas accès à l'école.
La prolifération des armes dans le sillage de la révolution libyenne où des entrepôts de l'armée de Kadhafi ont été pillés, a entraîné la disparition dans la nature de plus de 20 millions d'armes, créant une situation de chaos sécuritaire.
L'insécurité a été un obstacle majeur dans la bonne conduite du processus éducatif dans le pays avec la fermeture à la chaîne d'universités ou d'écoles suite à des incidents.
En dépit de gardes placés dans les universités, la situation est précaire et des incidents sont souvent rapportés, empêchant les cours de se dérouler normalement.
Parfois, lors de tensions sécuritaires entre milices rivales ou avec les citoyens, les routes sont barricadées et l'accès aux universités, aux écoles et bureaux devient difficile.
La situation matérielle des enseignants qui, à l'instar de la majorité des fonctionnaires de l'Etat, accumulent des mois d'impayés, crée un état de démotivation dans la profession.
Cette situation est la conséquence des difficultés économiques que rencontre le pays à cause de la chute de la production pétrolière, principale source de revenus de l'Etat et l'arrêt quasi-total des exportations, créant d'énormes déficits budgétaires avec son corollaire de dépréciation de la monnaie locale et la hausse du prix des produits et autres denrées alimentaires.
Incontestablement, le secteur de l'enseignement en Libye est en état de déliquescence, à l'image du pays, qui sombre depuis la chute en 2011 du régime dictatorial de Kadhafi dans la banqueroute et les risques de partition du pays.
L'impasse dans laquelle se sont engagés les pourparlers politiques inter-libyens sous l'égide des Nations unies, ne laisse aucune lueur d'espoir de voir le pays reprendre la pente de la normalisation, un pessimisme partagé par de nombreux observateurs de la scène politique en Libye, en l'absence d'une volonté réelle de la communauté internationale de prendre à bras le corps la situation en Libye, en imposant une solution aux protagonistes de la crise qui secoue ce riche pays pétrolier de l'Afrique du Nord.
-0- PANA BY/TBM/IBA 27sept2015
Les écoliers de Tripoli et dans certaines villes de l'Ouest du pays, au niveau du primaire et du collège, ont repris ce dimanche le chemin de l'école, dans le cadre de la nouvelle année académique 2015/2016, alors que dans le reste des régions, les élèves ont poursuivi leurs vacances en attendant la désignation d'une date pour le démarrage de la nouvelle année scolaire, une situation qui illustre l'état de division dans le pays où deux gouvernements et deux Parlements se disputent le pouvoir.
Cette reprise en rang dispersé de la nouvelle année scolaire montre que l'enseignement, un secteur aussi sensible en Libye, est touché par cette partition qui s'est installée dans le pays, résultant du bicéphalisme au niveau de l'Etat libyen depuis août 2014, avec la prise de contrôle de Tripoli par la coalition des milices islamistes de "Fajar Libya" et l'installation de nouvelles autorités parallèles à Tripoli.
Même les examens nationaux ont connu cette année une certaine cacophonie pour avoir été organisés à des dates différentes dans plusieurs régions et villes, tout comme les universités.
Pourtant, le secteur de l'enseignement en Libye avait atteint avant la révolution du 17 février 2011, un stade important en dépit des lacunes et dysfonctionnements qui l'affectaient dans le contexte des méthodes populistes du régime de Mouammar Kadhafi, qui l'a vidé de sa substance, le cantonnant en une machine à former des élèves dépourvus de compétences leur permettant d'affronter la vie professionnelle et active.
Sous le régime de Kadhafi, l'enseignement en Libye comptait en 2010 quelque 1,7 million de personnes dont 270.000 étudiants. L'éducation était gratuite pour tous les citoyens et obligatoire jusqu'au niveau du secondaire. Le taux d'alphabétisation, avec 82 % de la population sachant lire et écrire, était le plus élevé d'Afrique du Nord.
Le nombre d'étudiants a atteint 200.000 en 2004, auxquels il faut ajouter 70.000 personnes suivant des formations de techniciens supérieurs ou des formations professionnelles. La croissance rapide des effectifs s'est traduite par un accroissement parallèle du nombre d'établissements d'Enseignement supérieur.
Le nombre d'universités est passé depuis 1975 de 2 à 9 et le nombre d'instituts de formation professionnelle et de techniciens supérieurs est passé à 8.494. L'Enseignement supérieur est financé essentiellement par le budget national et représente 38,2 % de celui-ci.
Toutefois, le niveau des élèves était très bas malgré les programmes concoctés par des spécialistes et inspirés de modèles tels que celui de l'Indonésie réputée pour sa réussite en la matière.
La maîtrise des langues étrangères faisait terriblement défaut et était quasi-inexistante et ce n'est que vers les années 2008 que l'ancien régime, dans le cadre d'une nouvelle politique d'ouverture sur l'Occident, a commencé à réintroduire l'enseignement de l'anglais et du français dans les cursus scolaire en Libye.
Mais cet héritage a été sérieusement ébranlé lors de la révolution de 2011 qui a renversé le régime de Kadhafi avec dès le départ la destruction de certaines écoles et de certaines infrastructures académiques, notamment lors des bombardements des avions de chasse de l'OTAN.
Cette destruction s'est poursuivie durant les combats terrestres menés par des révolutionnaires contre les troupes de Kadhafi et plus tard lors des affrontements entre groupes armés et milices rivales.
En outre, ces affrontements ont poussé de nombreuses familles libyennes à se déplacer à l'intérieur du pays, perturbant la mode de vie de ces citoyens et les mettant dans la précarité sociale en raison du manque des structures d'accueil.
Des déplacements sont survenus vers Benghazi, Derna, ainsi qu'à proximité du golfe de Syrte, à Ben Jawad et Ras Lanouf dans l'Est du pays, avec pour la seule ville de Benghazi, près de 90.000 personnes dans l'incapacité de rentrer chez elles.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a estimé le nombre de personnes déplacées à l'intérieur à travers la Libye à environ 400.000. De plus, la Libye accueille près de 37.000 réfugiés et demandeurs d'asile de différentes nationalités dont les conditions humanitaires sont de plus en plus précaires, selon le HCR.
Près de la capitale du pays, à l'ouest de Tripoli, des ONG et le conseil local estiment que plus de 83.200 personnes vivent dans des camps, des écoles ou des bâtiments abandonnés. Beaucoup sont dans l'incapacité d'accéder à des soins ou à l'éducation pour leurs enfants. Un nombre important reçoit une allocation limitée d'aide en espèces pour la nourriture, selon la même source.
Cette situation a des répercussions déplorables sur l'enseignement, étant donné que des écoles sont squattées et ne peuvent plus être utilisées pour recevoir des élèves ni servir de structures éducatives. En plus, plusieurs milliers d'élèves n'ont pas accès à l'école.
La prolifération des armes dans le sillage de la révolution libyenne où des entrepôts de l'armée de Kadhafi ont été pillés, a entraîné la disparition dans la nature de plus de 20 millions d'armes, créant une situation de chaos sécuritaire.
L'insécurité a été un obstacle majeur dans la bonne conduite du processus éducatif dans le pays avec la fermeture à la chaîne d'universités ou d'écoles suite à des incidents.
En dépit de gardes placés dans les universités, la situation est précaire et des incidents sont souvent rapportés, empêchant les cours de se dérouler normalement.
Parfois, lors de tensions sécuritaires entre milices rivales ou avec les citoyens, les routes sont barricadées et l'accès aux universités, aux écoles et bureaux devient difficile.
La situation matérielle des enseignants qui, à l'instar de la majorité des fonctionnaires de l'Etat, accumulent des mois d'impayés, crée un état de démotivation dans la profession.
Cette situation est la conséquence des difficultés économiques que rencontre le pays à cause de la chute de la production pétrolière, principale source de revenus de l'Etat et l'arrêt quasi-total des exportations, créant d'énormes déficits budgétaires avec son corollaire de dépréciation de la monnaie locale et la hausse du prix des produits et autres denrées alimentaires.
Incontestablement, le secteur de l'enseignement en Libye est en état de déliquescence, à l'image du pays, qui sombre depuis la chute en 2011 du régime dictatorial de Kadhafi dans la banqueroute et les risques de partition du pays.
L'impasse dans laquelle se sont engagés les pourparlers politiques inter-libyens sous l'égide des Nations unies, ne laisse aucune lueur d'espoir de voir le pays reprendre la pente de la normalisation, un pessimisme partagé par de nombreux observateurs de la scène politique en Libye, en l'absence d'une volonté réelle de la communauté internationale de prendre à bras le corps la situation en Libye, en imposant une solution aux protagonistes de la crise qui secoue ce riche pays pétrolier de l'Afrique du Nord.
-0- PANA BY/TBM/IBA 27sept2015