Agence Panafricaine d'information

La «Journée internationale de la fin de l’impunité des crimes contre les journalistes» passée inaperçue au Burundi

Bujumbura, Burundi (PANA)- Aucune activité publique ou privée connue n’a été initiée, lundi, à l’occasion de la 3ème édition de la "Journée internationale de la fin de l’impunité des crimes contre les journalistes" au Burundi où plus de 80% des professionnels des médias indépendants se sont réfugiés à l’étranger par peur de l’insécurité liée à la crise socio-politique qui dure depuis plus de six mois et n’a épargné aucun secteur de la vie nationale.

La Radiotélévision nationale du Burundi (RTNB, publique), qui est aujourd’hui la seule audible sur le terrain, là aussi de l’information et la communication officielles et institutionnelles, est revenue brièvement sur l’événement, dans ses nouvelles de la mi-journée, pour rappeler que c’est une initiative des Nations unies qui a été instaurée en 2013, en hommage à l’assassinat de deux journalistes français, en mission de reportage au Mali, un autre pays en crise du continent africain.

Le médium gouvernemental n’a eu, par contre, aucune pensée ou évoqué le sort de plus de 100 confrères de la presse libre aujourd'hui en débandade aux quatre coins du monde à cause toujours de la violente crise dont l’issue reste incertaine pour espérer les voir revenir au bercail et exercer normalement leur métier.

La RTNB a été aussi secouée, dans une certaine mesure, par la crise, comme à la mi-octobre dernier, suite à l’assassinant de l’un de ses cameramen chevronnés et connus, Christophe Nkezabahizi, dans des circonstances encore obscures.

Le cameraman de plus de 60 ans a été tué à son domicile de Bujumbura, en même temps que son épouse et deux de leurs enfants dans des tirs croisés entre des éléments de la Police nationale et un groupe armé non-identifié, avait indiqué à chaud, le porte-parole de la Police, Pierre Nkurikiye, avant que le Parquet général de la République n’ordonne une enquête plus approfondie sur le cas et celui de 10 autres victimes de la journée meurtrière du 14 octobre dernier à Ngagara, l’un des quartiers contestataires du régime, au nord de la capitale burundaise.

On estime à ce jour, de diverses sources, entre 130 et 200, le nombre de victimes causées par la crise de ces six derniers mois au Burundi où il faut encore compter autour de 200.000 autres citoyens qui ont fui vers les pays voisins, principalement au Rwanda, en Tanzanie et dans une moindre mesure, en République démocratique du Congo (RDC).

Du côté des professionnels des médias indépendants qui résistent encore au pays, l’exercice du métier se fait au péril de sa vie dans un pays profondément divisé par un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition.

Le cas le plus emblématique des risques qu’encourent les journalistes sur le terrain de la collecte de l’information reste celui du correspondant au Burundi de Radio France internationale (RFI) et de l’Agence France presse (AFP), Esdras Ndikumana.

Le journaliste n’a toujours pas pleinement recouvré ses forces pour reprendre du service depuis l’agression dont il a fait l’objet, le 2 août dernier, de la part des services de sécurité, en tentant de prendre des photos du cadavre et de la carcasse du véhicule d’un général de l’armée nationale, Adolphe Nshimirimana, qui venait d’être abattu en pleine rue de Bujumbura, à la roquette et la mitrailleuse par des individus noniidentifiés.

Les infrastructures des médias privés et indépendants n’ont pas été non plus à l’abri des effets dévastateurs de la crise du moment au Burundi et la plupart d’entre eux ont payé cher d’avoir ouvert leurs antennes et tendu les micros aux chefs militaires et policiers des mutins de la mi-mai dernier qui voulaient renverser, mais en vain, le régime en place au Burundi.

Radio publique africaine (RPA), Bonesha FM (l’éclaireur, en langue nationale, le kirundi), Isanganoro (Carrefour) et Télé-Renaissance étaient les plus captées et écoutées du public avant que leurs sièges ne soient détruits par le feu ou obligés de fermer, au grand dam des auditeurs burundais qui commençaient à prendre goût pour une information plurielle.

Rema FM, une radio proche du parti au pouvoir, a subi le même sort de la destruction par le feu dans la foulée de la tentative manquée de coup d’Etat militaire.

L’exil des professionnels des médias n’est pas non plus facile comme l’illustre le cas le plus récent du journaliste-technicien de la RPA, Egide Mwemero, qui en était, ce lundi, à presque un mois d’incarcération sur le territoire de la RDC, après avoir été arrêté par les services de renseignement militaire d’Uvira, non loin de la frontière avec le Burundi.

Les rares informations disponibles sur le cas indiquent que Egide Mwero a été arrêté « sur commande » pour cause d’une émission jugée «compromettante de la paix» que la RPA tentait de faire passer, en direction du Burundi, dans le cadre d’un partenariat avec la radio communautaire congolaise « Le Messager du Peuple ».

Les journalistes en exil essaient de poursuivre leur devoir d’informer via surtout les réseaux sociaux qui ne sont cependant pas à la portée du large public comme avant la crise où aux heures des nouvelles de la mi-journée, l’audimat de la seule Radio publique africaine pouvait aller à près de deux millions d’auditeurs assoiffés d’une information d’investigation et de proximité avec les simples citoyens, comme savait en donner celle qui se réclamait de la « Voix des sans voix ».
-0- PANA FB/BEH/IBA 02novembre2015