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L'Afrique de nouveau au chevet de la Libye avec une feuille de route centrée sur la réconciliation nationale

Tripoli, Libye (PANA) - La réunion préparatoire des experts de l'Union africaine (UA) à l'issue de laquelle ils ont initié, vendredi dernier dans la capitale congolaise Brazzaville, une feuille de route africaine, axée sur la réconciliation nationale comme clé de voûte pour baliser le chemin vers la stabilité de la Libye permettant de mener à la réalisation des constantes de la paix, à savoir, la tenue des élections générales, dotant le pays d'institutions pérennes, dévoile le retour du continent africain pour s'impliquer davantage dans le dossier libyen afin de contribuer à une solution à la crise qui influe sur les pays de la région.

 

Du 12 au 15 juillet courant, des consultations préparatoires à la conférence de réconciliation nationale inter-libyenne, ont été abritées par le Congo qui préside le Comité de haut niveau de l'Union africaine sur la Libye.

 

A l'invitation du ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et des Congolais de l'étranger, Jean-Claude Gakosso, et sous le haut patronage du président Denis Sassou Nguesso, président du Comité de haut niveau de l'Union africaine sur la Libye, ces consultations ont réuni des représentants de la Chambre des représentants en Libye (Parlement), du Conseil présidentiel, ainsi que des représentants de l'ancien régime.

 

Une commission technique de supervision et de suivi de la feuille de route africaine pour la réconciliation en Libye a été crée sous la présidence du conseiller stratégique du président de la Commission de l'Union africaine, le professeur Mohamed El-Hacen Lebatt.

 

Plusieurs recommandations ont été adoptées par les participants à ces consultations portant sur la mise en œuvre d’un plan pour promouvoir et faire avancer le projet de réconciliation et la promotion de la paix dans le pays, selon le communiqué publié par le ministère congolais des Affaires étrangères.

 

La feuille de route adoptée à Brazzaville a pour objectif principal la promotion de l’unité du peuple libyen de manière systématique et graduelle, selon le communiqué qui précise qu'elle est initiée conformément au cadre général de la vision stratégique pour la réconciliation nationale élaborée par les experts nationaux du Conseil national de planification et le Centre d’étude sur le droit et la société de l’université de Benghazi en Libye.

 

Une vision qui a été approuvée et lancée le 26 juin dernier à Tripoli par le Conseil présidentiel comme stratégie nationale. 

 

Elle est considérée comme une extension de l’initiative de paix du président du Conseil d’Etat à travers sa  participation au lancement de cette stratégie.

 

Parmi les autres recommandations des participants à la commission technique de supervision et de suivi de la feuille de route africaine pour la réconciliation en Libye, figurent le rejet total de toute forme d’internationalisation de la crise libyenne et la nécessité d’éloigner tout ce qui entrave la voie de la réconciliation.

 

Ils ont fait part de "l’attachement à l’idée que la réconciliation soit un projet dont aucune composante politique, militaire et sociale ne soit exclue ; la condamnation de l’usage des discours de haine, l’incitation à la bagarre, aux actes de violence, le mépris, les insultes, la calomnie, l’arrogance et autres attitudes et comportements contraires à la fraternité à l’entente et à la solidarité".

 

Les experts africains ont recommandé que pour parvenir à ces dessins, "la primauté doit être donnée à la justice, à l’équité, à la réparation, à la reconnaissance des droits des victimes de guerres et des divisions, à la libération des prisonniers comme principe de base de la réconciliation nationale".

 

Ils ont exhorté "le peuple libyen à l’adhésion à l’unité nationale et aux principes du bien-être, de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la dignité".

 

Le ministre congolais des Affaires étrangères, de la Francophonie et des Congolais de l’étranger, Jean-Claude Gakosso, a souligné la nécessité de faire recouvrer la paix et la stabilité à ce pays d'Afrique du Nord afin que "la Libye retrouve son rôle dans la construction du projet d’intégration et de libération de l’Afrique, ainsi que la nécessité de mobiliser toutes les énergies locales, africaines et internationales pour la paix, la tolérance, la réconciliation, la stabilité, la démocratie et le développement".

 

Ce regain d'intérêt de l'Afrique pour la Libye dévoile la détermination du continent africain de ne pas se faire exclure du dossier libyen qui connaît une nouvelle évolution dans le contexte de la recherche d'un nouvel ordre mondiale multipolaire sous-tendu par la guerre en Ukraine, manifestation d'un bras de fer entre l'Occident dirige par les Etats-Unis contre la Russie et ses alliés traditionnels.

 

L'organisation continentale a toujours ambitionné de s'impliquer davantage dans le règlement de la crise en Libye considéré comme un élément de la profondeur sécuritaire de l'Afrique. 

 

Ainsi, les efforts de l'Union africaine d'œuvrer pour une solution en Libye n'est pas nouvelle. Tout au long de huit années de la crise en Libye dans le sillage de la révolution du 17 février 2011 qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi, l'UA a œuvré à apporter sa contribution à une solution politique négociée.

 

En 2015, en marge d'un Sommet de l'Union africaine, un mécanisme de consultation régulier des pays du voisinage de la Libye, regroupant l'Algérie, l'Egypte, le Niger, le Soudan, le Tchad, et la Tunisie, permettant des rencontres sur la sécurité frontalière en vue de la stabilité de la région qui subit les effets de la situation dans ce pays de l'Afrique du Nord, a été mis en œuvre.

 

Ces efforts ont été couronnés par un intérêt grandissant de l'Union africaine qui a crée un Comité de haut niveau de l'Union africaine sur la Libye présidé par le Congo avec comme membres l'Afrique du sud, le Niger, le Soudan, l'Algérie, la Mauritanie, la Tunisie, la Guinée, le Tchad et l'Egypte.

 

C'est en 2019 que le 32ème Sommet ordinaire de l'Union africaine en février dernier à Addis-Abeba, en Ethiopie a marqué une tournant décisif dans la stratégie de l'organisation continentale d'implication profonde dans le dossier en Libye, exigeant d'être associée davantage par les Nations Unies dans le processus politique.

 

Les dirigeants africains ont élaboré une feuille de route ébauchant les voies vers une solution en Libye comprenant essentiellement deux points, à savoir l'organisation d'une Conférence nationale de réconciliation en Libye, reportée en raison de l'escalade actuelle avec l'offensive militaire contre Tripoli déclenchée le 4 avril 2019. 

 

Ces efforts ont été torpillés par les grandes puissances qui voulaient assouvir leurs ambitions de servir leurs intérêts en faisant main basse sur les richesses du pays et s'adonnant à une guerre par procuration en Libye.

 

Actuellement l'Union africaine cherche à s'impliquer davantage en tenant à ce que le prochain chef de Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) et Envoyé spécial du Secrétaire général chargé de mener la médiation politique dans ce pays soit issu du continent africain.

 

D'ailleurs l'offensive menée ces derniers jours par les Etats-Unis qui a multiplié les contacts avec l'Union africaine, courtisant les pays membres de l'Union et représentants de l'Afrique au Conseil de sécurité, reflète ce souci de Washington d'influer ou de peser sur le choix du continent africain pour le prochain Envoyé spécial onusien en Libye.

 

Dans ce cadre, l'Envoyé spécial et ambassadeur des États-Unis en Libye, Richard Norland, s'est entretenu jeudi à Brazzaville avec le président congolais, Denis Sassou Nguesso, sur la crise libyenne, une rencontre qui confirme l'engagement de plus en plus poussé des Etats-Unis pour coordonner avec l'Union africaine (UA) dans la recherche d'une solution. 

 

M. Norland a discuté, mercredi dernier, avec le président de la Commission de l'Union africaine (CUA), Moussa Faki, des efforts visant à nommer un nouvel envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies en Libye.

 

Auparavant, en compagnie de l'ambassadrice américaine auprès de l'Union africaine (UA), Jesse Lapenn, l'ambassadeur des Etats-Unis en Libye, Richard Norland, a rencontré ses homologues des États membres de l'Union africaine, notamment les ambassadeurs algérien, tchadien et des représentants des pays africains actuellement membres du Conseil de sécurité des Nations unies.

 

Notons que le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas réussi, depuis la démission, en novembre dernier, de l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations en Libye, le Slovaque, Jan Kubis, à s'accorder sur une personnalité pour prendre la relève, ce qui a poussé le chef de l'ONU, Antonio Guterres, à contourner cet obstacle en nommant la diplomate américaine, Stephanie Williams, en qualité de conseillère spéciale pour parachever les bons offices de médiation en coordination avec les parties locales et les pays de la région.

 

Le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra deux sessions, rappelle-t-on, ce mois-ci sur la Libye, dont la première aura lieu le 25 juillet, pour écouter le briefing de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL), et la deuxième session se tiendra le 28 juillet.

 

La nomination d'un nouvel Envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU en Libye figurera aussi parmi les sujets des prochaines sessions sur la Libye.

 

Mais cette volonté de l'Afrique de contribuer dans la recherche d'une solution en Libye, a suscité aussi des interrogations des analystes quant aux moyens dont dispose l'organisation continentale africaine pour réaliser ses ambitions dans un dossier aussi épineux que complexe avec en toile de fond des ingérences étrangères de puissances régionales et internationales qui protègent leurs intérêts.

 

La Libye s'est retrouvée, aujourd'hui, à la croisée des chemins avec deux gouvernements rivaux, et un processus électoral dans l'impasse, aggravant les risques de confrontations militaires entre les camps au conflit bien que les nouvelles alliances mouvantes se profilent à l'horizon.

 

En outre, cette situation intervient au moment où le pays est en proie à des tensions au niveau du secteur pétrolier principale source de revenus de l'Etat après la restructuration du Conseil de direction et la nomination de Farhat Ben Gdara comme nouveau président, un changement dont les épisodes n'ont pas encore fini de relever des surprises.

-0- PANA BY/IS 17juil2022