Immersion dans le bain de la ferveur religieuse au Burundi (Reportage)
Bujumbura, Burundi (PANA) - Difficile de se faire une idée exacte du nombre de fidèles endimanchés qui occupaient le moindre recoin à l’intérieur du « Foyer de charité », un haut lieu de la Chrétienté à Bujumbura où se déroulait une cérémonie dédiée, entre autres, à la « délivrance » des malades, arrivés, qui, en chaises roulantes, qui, avec des béquilles, qui, aux bras d’accompagnateurs, a-t-on remarqué sur place.
Un pavillon a été spécialement emménagé pour les malades en quête de guérison, dont des épileptiques et des malvoyants, sous un soleil printanier et sur fond de chants de louange fort rythmés qui arrachaient les fidèles aptes de leurs chaises.
D’un haut parleur, on invite les fidèles à préparer des messages écrits à adresser à Dieu pour obtenir la rémission des péchés ou la guérison, dans le cas des malades.
Tout d’un coup, l’ambiance redevient moins bruyante, le temps pour les intéressés de se concentrer sur les messages, de les glisser dans des enveloppes et de les sceller avec de la salive.
D’un regard furtif, à gauche et à droite, on observe une ambiance studieuse aussi bien du côté des jeunes filles et garçons qu’on croyait, à priori, insouciants et plus généralement chez les personnes âgées, tout ce monde penché sur des bouts de papiers pour griffonner leurs doléances à Dieu.
Le service du protocole passe ensuite à travers les rangées pour ramasser, une à une, les enveloppes confidentielles qui prennent le chemin de l’autel et ne manqueront pas de recevoir des réponses, assurera le prêtre officiant du jour. A certaines conditions, néanmoins, tiendra-t-il à préciser.
Pour que ce réalise un miracle, il faut d’abord « reconnaître l’existence et la puissance de Dieu, savoir pardonner à ceux qui offensent les autres et se détourner des croyances obscurantistes », avisera-t-il.
Vint ensuite le moment de formuler des intensions de prière à haute voix et l’on se retrouve brusquement comme devant des ruches bourdonnant d’abeilles.
« Tout le monde parle en même temps et chacun sera entendu de son côté », encourage un animateur.
Dans les rangs des fidèles, le plus proche voisin élève la voix d’un cran, en implorant la puissance divine de lui redonner la vue.
Dans le dos, l’on entend encore des cris stridents et désespérés d’autres personnes demandant la délivrance de maladies devenues intraitables par la médecine moderne.
La cérémonie de délivrance dure depuis 8h15 locales (6h15 GMT) et il est 10h passées quand le prêtre officiant y met fin pour laisser la place à une messe classique.
Malgré le soleil presqu’au zénith et la chaleur coupante, le gros des fidèles reste sur les lieux pour enchainer avec la messe, d’autres ne cessent d’arriver, d'autres encore avec leurs propres chaises pliantes, affluence des grands jours oblige, continuent d'arriver au Foyer de charité de Bujumbura.
Le « protocole-maison », la Police nationale, la Croix-rouge du Burundi ont déployé des éléments autour et à l’intérieur pour parer à toute éventualité, l’eau fraîche est disponible pour se désaltérer, les points de ventes à la sortie proposent toutes sortes de gadgets religieux pour qui veut garder le souvenir d’une journée de prière comme eon en vit régulièrement au Foyer de charité de Bujumbura.
On peut encore rester des semaines durant à cet endroit qui se veut un « Foyer éclatant de lumière, de charité, d’amour, de résurrection spirituelle », un « Oasis vivifiant pour les âmes », une « Maison de cœur ouverte à tous ».
De manière générale, il se remarque une ferveur religieuse grandissante dans tous les lieux de culte du Burundi où les Chrétiens catholiques sont donnés largement majoritaires (60 pc), suivis des Protestants 15 pc), des Musulmans (2 à 5 pc) et des Animistes (20 pc).
Certains spécialistes des religions s’interrogent néanmoins sur la part de la manipulation ou du désespoir de la vraie foi dans une société burundaise qui ne respecte pas toujours les dix commandements de Dieu, dont celui de ne pas tuer.
Au niveau des textes de loi, la Constitution en vigueur au Burundi consacre la laïcité de la République.
S’agissant des relations entre l’Eglise et l’Etat, le Conseil national pour lé défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, part-Etat) a décrété, à partir de 2018, le jeudi de chaque semaine comme un « jour de prière et de jeûne » pour tous les militants et sympathisants.
Une place est également en cours d’aménagement à Gitega, la nouvelle capitale politique du Burundi (Centre) pour servir de lieu de cultes et de retraites du CNDD-FDD.
Une fois ouverte, chaque année et pendant trois jours, les militants et sympathisants du parti se rassembleront sur les lieux « pour rendre grâce et prier en se référant à la date du 21 janvier 2002, date à laquelle le CNDD-FDD a décidé de placer Dieu au premier plan » des ses actions.
Au Burundi, il existe encore une loi spécifique portant « Cadre organique des Confessions religieuses ».
L’agrément d’une confession religieuse indépendante exige « au moins 500 membres fondateurs résidents permanents » au niveau national.
Au moins 1.000 membres fondateurs sont, par contre exigés aux étrangers qui veulent implanter une église au Burundi où le motif officiel est de limiter la prolifération des organisations religieuses, parfois mues par des intérêts matériels.
Dans certains cas, les ménages se confondent avec les églises et autres lieux de culte, ce qui ne manque pas de troubler le repos et la quiétude des habitants dans les quartiers résidentiels, se lamente-t-on.
-0- PANA FB/BEH/IBA 28avr2019