Agence Panafricaine d'information

Une action concrète est essentielle pour tenir la promesse du Darfour, selon le procureur de la CPI

New York, États-Unis (PANA) - Près de 20 ans après que le Conseil de sécurité des Nations Unies a déféré la situation au Darfour (Soudan) à la Cour pénale internationale (CPI), les victimes et les survivants d'atrocités cherchent toujours à obtenir justice, a déclaré le procureur, Karim Khan, aux ambassadeurs. 

En présentant au Conseil le 34e rapport de la CPI sur le Darfour, il a souligné le besoin crucial de coopération et d'actions concrètes, tant de la part des autorités de Khartoum que de la communauté internationale. 

Selon un communiqué de l'ONU, M. Khan s'est rendu dans la capitale soudanaise en août dernier, deux mois seulement après avoir pris ses fonctions, où il a rencontré des survivants du Darfour, la société civile et le gouvernement. 

"Je partage les frustrations, l'impatience et l'espoir de ces survivants que ce moment singulier - la première saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil - portera ses fruits", a-t-il déclaré. 

"Mais il est important, comme je l'ai dit dans mes interactions avec les membres du gouvernement soudanais, que ce renvoi ne soit pas une histoire sans fin", a-t-il ajouté.  "Nous devons collectivement faire mieux - mon Bureau, bien sûr, mais aussi ce Conseil - pour nous assurer que la promesse et l'objectif de la saisine se marient avec des actions concrètes".

Le conflit du Darfour a débuté en 2003 entre les forces gouvernementales soudanaises, soutenues par des milices alliées connues sous le nom de Janjaweed, et les mouvements rebelles du Darfour. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées, tandis que des dizaines d'autres ont été déplacées. 

En 2005, le Conseil a renvoyé l'affaire à la CPI, qui enquête sur des allégations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. 

M. Khan a fait état de progrès, notamment l'ouverture en avril d'un procès contre un chef janjawid "notoire", Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, dit "Ali Kushayb".  

Quatre mandats d'arrêt restent en suspens, dont celui de l'ancien président du Soudan, Omar El-Béchir, qui a été déposé en avril 2019.  

Les autres mandats concernent l'ancien ministre de l'Intérieur, Abdel Raheem Muhammad Hussein, l'ancien gouverneur de l'État du Kordofan méridional, Ahmed Harun, et Abdallah Banda, ancien commandant du Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE).

M. Khan a souligné que les affaires dont la CPI est saisie "ne sont pas dirigées contre le Soudan" mais "contre des personnes dont les éléments de preuve révèlent la responsabilité dans des crimes relevant de la compétence de la Cour". 

Comme pour toutes les affaires renvoyées à la CPI par le Conseil de sécurité, le Soudan est une priorité pour M. Khan. 

Plusieurs facteurs, dont l'absence de coopération des régimes précédents, ont empêché les enquêteurs d'effectuer des visites sur le terrain dans le pays au cours des 17 dernières années. 

En conséquence, les preuves contre M. El-Béchir et M. Hussein doivent être renforcées, a-t-il dit, ce qui nécessite la coopération et la collaboration des autorités soudanaises, mais aussi du Conseil et des États membres de l'ONU. 

M. Khan a évoqué les mesures qu'il a prises en vue d'une plus grande efficacité, comme l'affectation d'enquêteurs, de personnel et de ressources supplémentaires. Il a également nommé la célèbre avocate spécialisée dans les droits de l'homme, Amal Clooney, conseillère spéciale à titre gracieux. 

Sa visite à Khartoum en août dernier a également abouti à la signature d'un protocole d'accord avec le gouvernement sur les quatre cas de mandats d'arrêt, ce qui constitue une première.  

Les autorités soudanaises s'étaient également engagées à travailler plus étroitement avec son Bureau et à signer le Statut de Rome, le traité de 1998 qui a créé la CPI. Un accord avait également été conclu pour assurer une présence permanente du Bureau du Procureur sur le terrain à Khartoum. 

Toutefois, le "paysage" du Soudan a changé à peine deux mois plus tard, lorsque les militaires, qui se partageaient le pouvoir au sein d'un gouvernement de transition, ont dissous le régime civil. 

"Le hiatus du 25 octobre a fait que nous avons perdu des points focaux. Nous essayons de rattraper le temps perdu", a déclaré M. Khan. "Nous avons dû suspendre des enquêtes actives ; c'est donc une tournure des événements très gênante et préoccupante".

Il y a eu un " retournement de situation ", a-t-il signalé, à la suite d'une visite d'une équipe de la CPI à Khartoum en décembre. Le général Abdel Fattah al-Burhan, qui a dirigé le coup d'État, les a rassurés en leur disant que le protocole d'accord était toujours valable et qu'il envisageait de coopérer. 

-0- PANA MA/BAI/IS/SOC 18janv2022