Agence Panafricaine d'information

La multiplication des initiatives de médiation risque de compliquer la situation en Libye

Tripoli, Libye (PANA) - Après l'accord tripartite réalisé en Egypte via une médiation de la Ligue des Etats arabes au Caire portant sur un consensus sur trois points relatifs aux lois électorales, à la formation d'un gouvernement unifié chargé de superviser des élections nationales et l'unification des postes régaliens, un appel a été lancé par des diplomates de l'Union européenne (UE) accrédités en Libye aux dirigeants libyens pour répondre le plus rapidement à l'invitation du représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Abdoulaye Bathily.

Cette situation laisse présager une multiplication des initiatives qui risque de disperser les efforts et constituer un frein à la résolution de la crise politique dans ce pays d'Afrique du Nord.

La Ligue des États arabes a annoncé que les résultats de la réunion tripartite du Caire entre les présidents du Conseil présidentiel libyen, Mohamed al-Menfi, de la Chambre des représentants (Parlement) Aguila Saleh, et du Haut-conseil d'État, instance consultative, Mohamed Takala, ont débouché sur "un accord sur la nécessité de former un gouvernement unifié qui supervisera la tenue des élections libyennes et fournira les services nécessaires aux citoyens", tout comme ils ont convenu de l'importance de préserver "la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye et le rejet de toute ingérence étrangère dans ses affaires".

Les participants convoqués par le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, ont approuvé " la formation d'un comité technique en référence à l'Accord politique et à ses annexes dans un délai déterminé pour examiner les amendements appropriés afin d'élargir la base de consensus et l'acceptation du travail accompli par la Commission mixte (6+6) chargée d'élaborer les lois électorales et résoudre les questions en suspens concernant les points controversés de ces lois, conformément à la législation en vigueur".

Selon le communiqué, il a été convenu "d'unifier les postes de souveraineté pour assurer l'activation du rôle qui leur est assigné au niveau de l'État libyen et d'appeler la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) et la communauté internationale à soutenir ce consensus afin d’en faire un succès".

Les participants ont convenu aussi d'organiser d'urgence un deuxième round pour finaliser cet accord et le mettre en vigueur. 

La rencontre tripartite inter-libyenne a visé à sortir de l'impasse politique dans le pays à travers la facilitation d'un dialogue libyo-libyen et à rapprocher les points de vue entre les parties libyennes, a indiqué la Ligue des Etats arabes.

L'organisation panarabe a souligné que cette médiation intervient "en reconnaissance des responsabilités inhérentes de la Ligue arabe envers cet important pays arabe, et à ce moment précis, et comme un effort pour sortir la Libye de sa crise de longue date, dont les fardeaux et les conséquences se sont accrus".

La rencontre tripartite libyenne et ses résultats ont reçu un accueil très favorable et enthousiaste des pays arabes. Ainsi les Royaumes de Jordanie et de Bahreïn ont salué les résultats de la réunion organisée par la Ligue des États arabes, pour soutenir le règlement politique visant à organiser des élections présidentielle et parlementaires en Libye.

Bahreïn et la Jordanie ont renouvelé leur soutien en faveur des efforts arabes et internationaux visant à résoudre la crise en Libye, d'une manière qui préserve sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale, et réponde aux aspirations de son peuple.

L'Égypte, l'Arabie saoudite, le Koweït et le Yémen avaient également exprimé plus tôt leur soutien aux résultats de la réunion tripartite, déclarant leur appui à la tenue d'élections générales en Libye.

Ils ont indiqué que cette réunion s'inscrit "dans le cadre du soutien à l'appropriation exclusive par la Libye du règlement politique et du renforcement du rôle des institutions libyennes dans la réalisation de tous les cadres nécessaires à la tenue d'élections présidentielle et parlementaires dans les plus brefs délais".

 

Le ministère des Affaires étrangères du Sultanat d'Oman a salué les résultats de la réunion tenue sous l'égide de la Ligue des États arabes, réaffirmant la position du pays "en soutien à l'unité et à la souveraineté des terres libyennes et à tous les efforts visant à établir la sécurité et la paix en Libye , d’une manière qui garantit à son peuple frère une croissance et une prospérité continues".

Le Parlement arabe a affirmé sa satisfaction des résultats de la réunion organisée par la Ligue des États arabes au Caire, à laquelle ont participé les présidents du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Al-Manfi, de la Chambre des représentants, Aguila Saleh, et du Conseil d'État, Mohamed Takala, sous les auspices du secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, pour soutenir le règlement politique visant à organiser des élections présidentielle et parlementaires en Libye.

L'instance législative panarabe a souligné son plein soutien aux efforts et initiatives arabes visant à assurer la sécurité et la stabilité en Libye et à réaliser les aspirations de son peuple, d'une manière qui réponde à l'intérêt national le plus élevé.

L'envoyé spécial de l'ONU en Libye, Abdoulaye Batilly, a indiqué sur la plate-forme "X" qu'il avait pris note du communiqué final de cette réunion tripartie inter-libyenne, déclarant: "Nous avons convenu de donner suite aux conclusions, traduisant un soutien implicite à cette rencontre.

Notons que l'initiative lancée en novembre dernier par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Libye, Abdoulaye Bathily, pour regrouper les cinq principaux acteurs institutionnels libyens en vue de surmonter les désaccords sur les lois électorales et régler les questions politiques en suspens, est confrontée à une impasse.

Ces acteurs majeurs continuent de maintenir leurs positions à travers des conditions préalables pour participer à la rencontre.

Le président de la Chambre des représentants, Aguila Saleh, a réitéré que la principale question à l’ordre du jour devrait être la formation d’un gouvernement unifié et qu’il n’y participerait que si les deux gouvernements étaient exclus.

Le président du Haut-conseil d’Etat, Mohamed Takala, maintient son rejet des lois électorales telles que publiées par la Chambre des représentants, exigeant de revenir au projet adopté par la Commission mixte 6+6 à Bouznika, assurant que la discussion devrait porter sur la révision des lois électorales pour rétablir ce qu’il appelle la "version initiale" du texte.

Le Premier ministre du gouvernement d'unité nationale, Abdulhamid al Dbaiba, a insisté sur le fait qu’il ne démissionnera qu’après la tenue des élections, ce qui signifie que le gouvernement d’unité nationale qu’il préside supervisera l'opération électorale à venir, estimant qu'un nouveau gouvernement équivaut à une nouvelle étape de transition.

Le commandant de l'Armée nationale libyenne basée à l'est, le maréchal Khalifa Haftar, insiste pour que les deux gouvernements celui désigné par le Parlement et le gouvernement d'unité nationale fassent partie des pourparlers ou que les deux soient exclus.

Le président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed al-Manfi, ne veut pas être perçu comme une partie, mais il est prêt à jouer le rôle de facilitateur pour soutenir l'initiative de Bathily.

Cette situation d'impasse fait que l'initiative de Bathily se retrouve sans perspectives d'où l'action entreprise par la Ligue arabe de tenir cette réunion tripartite.

Selon des observateurs de la scène politique en Libye, les questions abordées par la réunion tripartite du Caire, à savoir, la formation d'un gouvernement unifié et la révision des lois électorales sont similaires avec les sujets proposés par Bathily dans son initiative avec la seule différence de la polémique qui a éclaté sur la présence des parties à la table de négociation. 

Ces mêmes observateurs s'interrogent sur les chances de réussite des deux médiations celle de la Ligue arabe et celle de la MANUL au moment où les efforts de Bathily bénéficient de soutiens d'envergure notamment  des Etats-Unis et de l'Union européenne en plus du renouvèlement de la confiance des Nations unies à l'égard de son fonctionnaire.

Ainsi, des ambassadeurs de l'Union européenne (UE) et de la délégation de l'Union en Libye, ont appelé les parties libyennes à accepter l'invitation du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Libye, Abdoulaye Bathily, et a exhorté aux réformes nécessaires pour maintenir la stabilité et l'économie libyenne.

Dans un communiqué, à l'occasion de l'avènement du mois de Ramadan, dans lequel ils ont adressé leurs félicitations au peuple libyen, les diplomates européens ont appelé toutes les parties à travailler dans l'esprit du mois sacré, et "de libérer toutes les personnes arbitrairement détenues en signe de bonne foi".

Ils ont ajouté : "Le mois du Ramadan est une opportunité de mettre de côté les divergences et de progresser dans la réconciliation et l'unité nationales. Par conséquent, nous demandons aux dirigeants libyens d'accepter l'invitation du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, Bathily, à se réunir sans retarder davantage, peut-être pendant le mois sacré, pour discuter et résoudre tous les obstacles qui empêchent les citoyens de restaurer la légitimité des institutions par le biais d'élections nationales".

Les ambassadeurs de l'Union européenne ont noté que les défis sécuritaires et économiques affectent de plus en plus la vie quotidienne des citoyens à travers le pays, invitant les dirigeants libyens "à s'entendre de toute urgence sur les réformes nécessaires pour maintenir la stabilité et l'économie, afin que les Libyens puissent célébrer sans crainte ni souffrance".

Les diplomates européens ont exprimé leurs vœux à tous les Libyens, pour un Ramadan béni et paisible, en espérant que "ce mois poussera tous les dirigeants à surmonter leurs divergences, pour construire ensemble une Libye unifiée, souveraine, démocratique et prospère.

Auparavant, les Etats-Unis à travers l'envoyé spécial américain en Libye l'ambassadeur, Richard Norland, ont effectué une série de rencontres avec les responsables et acteurs libyens pour promouvoir l'initiative du Représentant spécial du Secrétaire général en Libye, Abdoulaye Bathily en les exhortant à se rencontrer pour dépasser les divergences et aller vers des élections nationales comme issue à la crise.

En outre, le Conseil de sécurité des Nations unies qui a exhorté les dirigeants libyens à s'inscrire dans l'initiative de Bathily lui a renouvelé son appui pour poursuivre ses bons offices afin de déboucher sur une solution à la crise libyenne via l'organisation des élections générales.

La nomination par Antonio Guterres de l'Américaine, Stephanie Koury, au poste de représentant spécial adjoint du Secrétaire général es Nations unies en Libye pour seconder Bathily, sonne comme une tentative d'associer davantage Washington à la recherche d'une solution en Libye en se servant de la diplomatie américaine comme ce fut le cas lors de la période de la diplomate Stephanie Williams qui avait abouti, grâce au Forum du dialogue politique libyen, à la mise en place d'une nouvelle transition avec une Autorité exécutive unifiée.

Le Centre américain de recherche stratégique et de sécurité "Stratfor", un groupe de réflexion américain proche des cercles décisionnels, a estimé que le consensus convenu lors de la réunion tripartite du Caire, la formation prochaine d’un gouvernement unifié, qui perturbe ainsi la tenue d’élections dans le pays, sera impossible à atteindre

Décrit comme proche des services de renseignements, le Centre américain de recherche stratégique et de sécurité a indiqué, cité par le journal libyen "Al Wasat," que sans le soutien du Premier ministre du gouvernement d'unité nationale reconnu par la communauté internationale, il sera difficile d’unifier le gouvernement d’unité nationale et le gouvernement mandaté par la Chambre des représentants à Benghazi (Est).

Ainsi, la seule issue est de répondre à l'appel de la Ligue arabe qui a demandé à la Mission d'appui des Nations unies en Libye et à la Communauté internationale de soutenir ce consensus afin d'en assurer le succès.
-0- PANA BY/IS/SOC 14mars2024